MALI

Toujours à Bamako

Eh oui, toujours bloqué ici. J'attends mes bagages, qui se trouvent quelque part entre Sydney et Vancouver (joke), ou entre Tokyo et Santiago, je ne sais pas. Je me cache du soleil, des moustiques, de tout. Aujourd'hui, je vais aller voir un médecin pour qu'il me donne le nom des médicaments de base à avoir contre le palu, la diarrhée (plus communément appelée la chiasse), les coups de soleil, quelques matériels de soins de base, etc. que j'achèterai en fin de semaine si je n'ai toujours pas reçu mes bagages. Parce que comme on m'attend au village, j'ai décidé d'y aller à la fin de la semaine quoi qu'il arrive. J'achèterai ce qu'il faut, et voilà.

Sinon, rien de neuf. Petite question existentielle reprise d'une blague : Puisque la terre est ronde, pourquoi est-ce que ça baise dans tous les coins ?

Tchao.

Citoyen du monde, la route est mon amie, la Vadrouille est mon pays.

Chô, vagabond

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Non, c'est une feinte, je ne rentre pas. Je pars demain matin pour Dè, le village où j'enseignerai. Je n'ai toujours pas de médocs, toujours pas de protection, rien, mais comme je ne suis toujours pas tombé malade (je touche du bois et croise les fesses bien fort pour que ça continue), je tente ma chance en partant sans rien dans la brousse. J'rigôôôôôleuuuh ! J'ai récupéré mes bagages ce matin, mais trop tard pour prendre le bus pour Bandiagara (ça m'aurait fait arriver de nuit là-bas), alors j'attends demain. Tout va mieux, donc. Je pense que ceci sera le dernier mail que je vous enverrai avant quelques semaines. Désolé de ne pas vous répondre (enfin bon, ceux qui m'ont écrit quoi !), mais j'essaye de ne pas trop utiliser internet, histoire de respirer plus de gasoil, plus de pollution, plus de vapeurs nauséabondes et d'écouter plus de klaxons, de cris et de "dérangements sonores divers" (paraîtrait que le linguiste a le chic pour utiliser des terme tordus pour désigner une réalité simple !). Je pense que demain soir ou samedi soir au plus tard, je serai sur le toit de ma case à admirer les étoiles. Pu... naise de trip, j'en ai déjà le sourire jusqu'au front rien qu'à y penser.

Ouaiiiiiiiiiis !

Citoyen de Bamako, la route est mon créneau, la Vadrouille, mon pays, est si beau !
Chô, vagabond de facto

Chô, sa vie, son oeuvre,

Dernières nouvelles d'ici. Mon arrivée à Dè s'est plutôt bien passée, malgré quelques contretemps et quelques contrariétés de la part du directeur de l'école. Il ne voit pas d'un trop bon oeil le fait que je veuille enseigner le français à sa place (je ne veux pourtant pas être calife à la place du calife !). Mais pas de problème, je ne travaillerai pas avec lui, pas question de travailler en milieu hostile. De toute façon, il y a de quoi faire ici. Il y a notamment une ONG qui apprend aux femmes à s'entraider pour développer leurs activités respectives, et un autre organisme qui s'occupe de distribuer de la nourriture aux enfants de Dè et des villages environnants. C'est avec cette dernière que je travaille. C'est un programme de 4 mois où on suit l'état de santé des enfants, avec, forcément, un rapport à rendre au Programme Alimentaire Mondial (PAM, voir lien avec ONU) sur la conduite de l'opération et ses résultats. On distribue de la farine renforcée aux enfants, on les pèse et on apprend aux parents à cuisiner cette farine pour les enfants, et on distribue de la farine normale aux adultes, pour pas qu'ils piquent la farine des gamins. Même si ce n'est pas la misère totale (quelques familles s'en sortent pas trop mal), si vous voyiez le ventre gonflé par la faim des enfants, l'état des gens ici, leurs conditions de vie précaires, la frénésie qui les gagne quand on leur distribue les sacs de farine, vous relativiseriez pas mal de vos tracas quotidiens. Ce qui fait Chô au coeur, dans toute cette misère, c'est le sourire des enfants, et leurs cris quand ils me voient, lançant des "Toubabou Diallo, Toubabou Diallo !" ou des "Ca va ?" dont ils ne comprennent même pas le sens, mais tant pis. Les adultes sont les dignes parents de ces enfants. Malgré les malheurs qui les touchent (misère, famine, sécheresse, perspectives de récoltes quasi nulles cette année, ajoutée à l'invasion acridienne de l'année dernière qui avait plongé la région dans une situation de grande famine, etc.), ils ne manquent jamais de me sourire quand ils me voient, de m'interpeler, de me demander comment je vais. Une chaleur du coeur typique des populations pauvres. Ils méritent d'être aidés, puisqu'après tout, ils n'ont pas choisi de naître dans ces conditions.

Ah oui, et j'oubliais aussi que je donnais des cours d'anglais aux adultes le mercredi après midi, le jeudi après-midi, et le samedi matin, en gros, 8h par semaine. D'ailleurs, il faut que je vous laisse, j'étais quand même venu à Bandiagara exprès pour dénicher quelques conseils de cours d'anglais sur le net. Vu l'état de la piste reliant Bandiagara à Dè, je ne pense pas que beaucoup d'entre vous viendrez me voir. Moi, la première fois, j'ai cru que j'allais crever en cours de route ! Mais ça va, j'y ai survécu. Mon adresse : Mairie de Diamnati (Dè)

Pour Chô LY
Cercle de Bandiagara
Région de Mopti
Mali

Et c'est pas une blague, l'adresse est vraiment valide !

Tchao.

Citoyen de Dè, la route est une sacrée enfoirée d'amie, la Vadrouille est un putain de lointain pays.
Chô, vagabond rassis

Changement de plan

Salutations à tous, je suis maintenant à Bandiagara. La distribution de nourriture finie, le programme a commencé, et il ne nous reste plus qu'à attendre la fin pour re-peser les gamins et faire les constats et rapports de circonstance. Donc, quatre mois à n'enseigner le français qu'à six personnes trois fois deux heures par semaine dans mon bled paumé, j'avais trop l'impression de ne rien faire ! J'ai donc décidé de venir à Bandiagara, "ville" du coin, pour proposer mes services et être plus utile (en fait, avoir l'impression d'être plus utile). Je me retrouve donc à enseigner l'anglais dans quatre classes de 124, 126, 148 et 106 (à peine !) élèves au lycée du coin. Je commence la semaine prochaine, même pas peur. Quant à l'adresse communiquée la semaine dernière, elle reste valide, pas de problème.

A propos de Dè, on vient de découvrir qu'une ONG de l'année dernière mandatée pour leur livrer six mois de nourriture les a grugés de trois mois. Se faire de l'argent sur le dos des villageois, en utilisant les bons sentiments des gens, ça, c'est vraiment pire que tout. Chuis écoeuré. Sinon, ça va pas trop mal. Je commence à avoir un peu mal au ventre depuis hier soir, mais je crois que c'est normal, je me fais de plus en plus souvent piquer par ces salopes de stickmou, parce que j'économise le peu d'anti-moustique qui me reste. Aussi, je ne suis pas à l'abri d'une crise de palu. Mais pour l'instant, j'arrive à contenir mon ventre. Faut juste que je sois fort dans ma tête, ça va aller. Tchao.

Citoyen du monde, la route est mon amie, la Vadrouille est mon pays.
Chô, vagabond

La tête en l'air, les yeux bien ouverts

Une semaine que la lune était pleine. Une semaine donc, qu'elle décroissait inexorablement, laissant apparaître de plus en plus d'étoiles. Troisième soirée que je passe sur le toit, à faire ce que vous savez. Les Dogons me prennent pour un fou : " Qu'est-ce qu'il y a donc là-haut, pour qu'il passe ses soirées la tête en l'air ? Il a vu des traces de pneu ou quoi ? " Mais quelque soit le lieu, les gens sont tous pareils : ils passent leur temps à envier ce que d'autres ont et en oublient d'apprécier ce qu'ils ont la chance d'avoir. Puis arrive un petit bridé qui s'émerveille de leurs évidences

Comme souvent, la contemplation des étoiles entraîne ma réflexion vers des pensées que je n'ai pas en temps normal. L'immensité de l'univers. N'est-ce pas hallucinant de voir que la Voie Lactée ne représente qu'une traînée dans le ciel si immense ? Il est quasi-inconcevable de voir un ensemble dans sa totalité quand on est soi-même une partie de cet ensemble. Cela montre indéniablement l'immensité inimaginable de l'univers. Comment moi, misérable humanoï de à caractéristique autodestructrice, comme tous les humanoï des, moi, simple atome dans ce système solaire qui n'est lui-même qu'un grain de poussière au sein de la Voie Lactée, comment puis-je voir ma galaxie alors que je suis en plein dedans ? Seule l'infinie distance me séparant du reste de la galaxie permet un tel prodige. Et dire que cette même galaxie de représente qu'un vague trace blanche dans le ciel que je contemple, et que le reste du ciel compose le reste de l'univers Y a de quoi se sentir petit, non ?!

Citoyen d'un monde microscopique, ma route paraît soudain bien pathétique, mais mon pays reste si fantastique.
Chô, vagabond atomique.

Amères constatations

J'ai vu une femme en guenilles, quand on n'a RIEN d'autre qu'un T-shirt en lambeaux sur soi, on est en guenilles, n'est-ce pas ? Donc, j'ai vu une femme en guenilles ramasser un carton d'emballage de nourriture pour voir s'il y restait quelque chose à grignoter. Comme l'emballage était vide, je l'ai vue pleurer. Mais son corps était si vide de tout, si sec, que les larmes ne pouvaient sortir. Son empressement à ramasser le carton et l'extinction de la faible lueur dans ses yeux quand elle s'est rendue compte qu'il était vide reflétaient toute sa détresse. Son corps entier criait famine, criait son désespoir. Mais faut-il encore insister sur ce désespoir ? Le fait qu'elle en arrive à chercher à manger dans les détritus ne suffit-il pas ?

Moi, de mon côté, j'essaye de ne pas manger le soir pour perdre du bide, c'est un luxe de riche que de vouloir perdre du poids. Dans ce pays où ce sont les enfants pauvres qui ont un gros ventre, les gens me considèrent comme fou, à ne pas vouloir manger alors que je peux le faire. Avec mon régime décalé et mes futiles considérations métaboliques occidentales, je me fais de la peine, je me débecte.

Citoyen d'un monde miséreux, ma route croise tant de gueux, mon pays n'en reste pas moins merveilleux.
Chô, vagabond qui voudrait tellement être mieux,

Quotidienneté de certains gestes

... Pourtant si mal acceptés par d'autres, et montrant le décalage de deux cultures. Je me rappelle un maître Zen qui disait à son disciple qui lui demandait pourquoi le premier l'avait spontanément pardonné de l'avoir volé et l'avait ainsi ramené sur le droit chemin : "Quand le berger emmène paître ses moutons, si l'un d'eux s'éloigne du troupeau et se perd, le berger va le chercher pour le ramener sur la bonne route, il ne l'abandonne pas", mais moi, avec mes 680510365 élèves par classe, dont 680510362 ont perdu la bonne route depuis 3 siècles, lequel (laquelle) je vais poursuivre pour le (la) ramener sur le droit chemin ? Celle qui a la plus grosse poitrine ?, Tiens, elle est pas mal cette solution !

Juste pour dire qu'ici, le niveau est nul, mais bon, j'essaye de faire mon possible pour en sauver un maximum. Mais les élèves veulent constamment me marcher dessus, parce que contrairement aux profs qu'ils ont l'habitude de voir, je ne les traite pas de vauriens, je ne les frappe pas, je les fouette encore moins, bien que ce soit d'usage. Alors tout à l'heure, comme le cours partait en live, j'ai piqué une grosse crise, les ai traités d'abrutis, et leur ai collé une interro sur le champ pour les calmer, ça les a fait rire. Mais j'arrive pas à me faire à l'idée de les frapper.

Les profs d'ici n'hésitent pas : une réponse fausse = vaurien, une attitude un peu perturbatrice ou irrespectueuse = un coup de fouet sur les doigts, voire deux, voire trois. Mais les élèves sont tellement habitués que ça leur fait même plus mal, alors, le surveillant m'a demandé quoi faire, puisque les menaces les font rire, et les coups les font sourire. Je lui ai suggéré de trouver autre chose, une autre pédagogie. Et il a trouvé !! A la fin des cours, il y avait un attroupement dans la cour. Le surveillant était à sa fenêtre, à fumer nerveusement. Il m'a dit que c'était lui qui avait "corrigé" un élève, et qu'il l'avait tellement frappé que l'élève gisait dans la cour à pisser le sang. Le surveillant avait dû partir fumer une clope pour se calmer. Le directeur de l'école, qui était dans la foule, est revenu tout sourire : "Ce n'est rien M. LY, il saigne parce que le surveillant l'a accidentellement touché à l'arcade sourcilière, mais il se fera soigner chez lui. Tant qu'il n'est pas mort (véridique !!), ça va !" Finalement il n'est pas nécessaire que je les frappe, les autres le font assez pour moi.

Belle Afrique, sauvage Afrique, si loin de mes valeurs, et moi, si loin de sa fureur. Leur enseigner l'anglais sera dur, mais je persisterai, c'est sûr !

Citoyen des écoles, je ne frappe, ni ne colle, mais avec ma patience asiatique, j'essayel'ai encol' et encol'
Chô, vagabond anti-nonoxinol

PS : Bon, d'accord, la rime était un peu tirée par les poils du nez, mais perso, je trouve que je m'en suis bien sorti !

Le coq, l'âne, la souris et sa cousine

Depuis que je suis ici, je me suis mis en mode "sommeil léger", vu que je dors la porte grande ouverte. Certains d'entre vous connaissent surtout mon mode "sommeil lourd, plus que lourd, carrément comatique", mais j'ai aussi ce deuxième mode que je n'emploie que quand je dors dans la nature. Inconvénient : j'entends tout ! Ces crétins d'ânes qui passent la nuit à braire, ces enfoirés de coqs qui dorment en gros de 23h30 à 3h, ensuite, dès qu'il y en a un qui se met à chanter, tous les autres y vont de leur chant. Et ici, c'est pire qu'à Dè. Je comprends pas le choix des français pour le coq comme emblème, à moins que Coluche n'avait eu raison. Et cette famille gentille mais trop conne qui a attaché un mouton dans la cour pour qu'il bêle la moitité de la nuit ! Heureusement pour moi, je me suis habitué à ses bêlements dans la journée, parce que c'est vraiment con un mouton, ça bêle toutes les deux secondes (véridique)!

Je vais même jusqu'à entendre le vol incessant de la chauve-souris qui s'est retrouvée coincée dans ma chambre une nuit. Cette crétine s'est même scratchée sur mon sac, radar défectueux. Cette même nuit, une souris avait eu la bonne idée de venir grignoter mes cahuètes après que sa cousine se soit assommée. Comme j'avais trop la flemme (ou la frousse ?) de me lever pour la chasser, 3h sans dormir, jusqu'au lever du jour ! Si seulement il faisait moins Chô

Citoyen de la nature, les chauves-souris sont mes amies, les coqs et les ânes aussi.
Chô, bêêêêêê !

Cadeau de Noë l anticipé

Je ne vous ai jamais demandé de cadeau de Noë l, mais comme il faut un début à tout, Voilà, cette année, je voudrais lancer un grand appel à contribution. J'aimerais que chacun de vous m'envoie un petit peu d'argent, dans la limite de ses possibilités, bien sûr. La somme réunie sera intégralement utilisée pour l'achat de fournitures scolaires pour les enfants de l'école de Dè. Farida m'a demandé comment elle pouvait aider de son côté, m'a demandé si elle pouvait m'envoyer de l'argent. Elle m'a dit que vu les histoires d'arnaque qu'on entend (trop) souvent, elle ne savait pas en qui faire confiance, aussi avait-elle décidé de me faire confiance. Alors je me suis dit que si elle plaçait sa confiance en moi, peut-être d'autres aussi, vous, qui hésitaient dans leur coin à eux, accepteraient-ils de me confier un peu de leur pécule afin que je l'utilise à bon escient ici.

Pour ce faire, c'est simple : envoyez vos chèques à l'ordre de Sébastien XXX à l'adresse suivante : Sébastien XXX, X rue XXX, XXXXX XXXX. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, faîtes-moi confiance ! Le sieur Sébastien encaissera les chèques et, comme c'est une huile de l'informatique, il transférera l'argent sur mon compte. Puis je retirerai la somme correspondante d'ici avec ma carte. Tous les dons seront répertoriés et par souci de transparence, je vous communiquerai la liste des généreux donateurs, le montant total des dons (sans les montants individuels, histoire de pas faire passer untel pour plus pingre que Onetel), et la facture d'achat des fournitures scolaires. Je fixe la date limite des dons (non déductibles des impôts, désolé) au 28 février, date théorique de la fin du programme alimentaire dont je vous avais parlé. Passé ce délai, avec les visites prévues de mes (vrais) amis (hi, hi !), la rédaction du rapport et la préparation de l'examen de fin de trimestre à l'école, je n'aurai plus le temps de passer la commande, la préparer, la régler, etc. Dans le cahier de remerciements de la mairie de Dè apparaîtra alors une ligne "Don de fournitures scolaires" au nom du "Collectif des amis de Chô". Désolé, je récolte un peu le fruit de votre labeur, mais il faut bien mettre un nom rassembleur à vos dons, et qui rappelle facilement à la mairie de qui ça provient. Mais si vous avez une idée de nom, dites-le moi, je suis ouvert à toute suggestion. Voilà, c'est un message un peu long, mais j'espère qu'il valait le coup de l'écrire.

Tchao.

Citoyen du monde, la route est mon amie, la Vadrouille est mon pays.
Chô, vagabond

Faiblesse passagère

... ou assagissement avec l'âge ? Au cours d'une petite balade à travers la brousse malienne, je suis arrivé à une falaise assez conséquente cachant un village décrit comme très typique et à voir absolument : Songho. Après une petite pause (3h de marche en plein cagnard, ça fatigue, l'air de rien !), j'ai entrepris de grimper la falaise par son flanc Est. Mais arrivé au pied de la paroi rocheuse, j'ai pu voir qu'elle n'était pas si facilement grimpable que ce que je pensais. Les trois premiers mètres étaient assez aisés, mais ensuite, la paroi se bombait, offrant un passage de deux mètres de haut où je me retrouverais alors dos dans le vide (mais pas non plus à l'horizontale, pas exagérer non plus !), Après un bref, mais minutieux examen du mur et des éventuelles prises qu'elle offrait, et surtout de leur solidité, je me suis surpris à renoncer à y grimper. Quatre ou cinq ans plus tôt, je sais que j'aurais tenté le coup. Mais il y a quatre ou cinq ans, je pesais sept ou huit kilos de moins, et surtout, j'avais 100% de graisse en moins que maintenant. Et je me sentais en forme, Alors réponse à ma question : Faiblesse passagère : sûrement pas, faiblesse tout court ! Et assagissement avec l'âge : encore une fois, sûrement pas. Si l'homme s'assagissait avec l'âge, ça se saurait (ce sont les adultes qui se font la guerre, pas les enfants). La sagesse, on l'a, ou on l'a pas, mais il serait faux de croire qu'en vieillissant, on l'acquière. Tout au plus perd-on de sa fougue juvénile.

Je crois que c'est ce qui m'arrive

Citoyen des falaises, devant la roche trop balèze, je ne me sens pas à l'aise.
Chô, vagabond limite obèse.

Réveillon

Petite fête à Bandiagara pour marquer le passage à une nouvelle année. Moi, j'ai poliment participé, mais comme depuis quelques années, le passage à l'an ne me dit plus rien en terme de fête, à 23h, prétextant un rituel traditionnel, je me suis enfoncé dans la brousse malienne pour faire une chose que j'essaye de faire depuis plusieurs années déjà. Mon grand trip depuis le réveillon 99-2000, c'est d'aller en Laponie me retrouver au fin fond d'une forêt, mais bien au chaud dans une cabane (pas déconner non plus !), et à l'approche de minuit, sortir au milieu de nulle part pour attendre la nouvelle année dans le froid et la neige parce qu'ayant longtemps vécu en France, pour moi, le passage à l'an se fait dans le froid. Puis une fois minuit passé, constater que malgré ce repère de temps que l'occidental a imposé presqu'au monde entier, pour Mère Nature, rien, absolument rien n'a changé. Mais ça, faute de moyen ou de place dans l'avion, je n'ai pas encore pu le faire. Alors hier, je l'ai fait un peu différemment. Après avoir préparé mon terrain dans la journée (repérage d'un endroit dans la brousse, assemblage de bois, marquage du sol, pour m'y retrouver en pleine nuit), je me suis donc enfoncé dans la brousse vers 23h, avec juste une bouteille d'eau dans le sac, ma frontale dans une main, et mon éternel couteau suisse dans l'autre. Lui aussi en aura vu, du pays. C'est en marchant dans la nuit que je me rendais compte des dangers auxquels je n'avais pas pensés pour la Laponie. Ex : Et si je me faisais encercler par des loups que l'hiver aurait forcément affamés, pourrais-je leur faire face alors que je suis de nature pas trop courageuse, de plus, Chôdement emmitouflé dans des habits épais qui m'auraient largement gênés dans mes mouvements, et enfin, dans la neige où chaque pas est une lutte contre la gravité ? A réfléchir pour quand j'irai en Finlande. Heureusement pour moi, la brousse malienne semble moins dangereuse n'empêche que je tenais fermement mon couteau dans la main quand même ! Mais au moins étais-je légèrement habillé, en baskets fermées, et mon sac solidement attaché dans mon dos, pour entraver au minimum mes gestes.

Arrivé au lieu choisi, j'ai fait mon feu et ai attendu 2006 sous les étoiles. Il y a quatre choses dont je ne me lasserai jamais : courir la terre, sentir le vent me fouetter le visage, regarder les mouvements de l'eau d'un torrent sur la roche, et admirer les flammes d'un feu de bois. Tout à ma contemplation, j'ai attendu, et quand le feu a commencé à mourir, j'ai finalement pensé à regarder l'heure : il était déjà 1h du matin ! On était déjà en 2006. J'ai alors regardé dans ce que je pouvais voir autour de ma nuit, et ai constaté qu'effectivement, rien dans la nature n'avait changé.

Ces marques de temps si ridicules que l'homme s'impose, mais avec lesquelles j'accepte de vivre volontiers, ne nous influencent que nous, pauvres homo sapiens. Les marques de temps ne sont finalement que projection de l'esprit humain. Et j'aurais beau crier ma rage, ma joie de vivre, mon dégoût ou faire mille autres choses, la nature continuerait de suivre son cours telle que nous la détruisons. Fort de ce constat, je suis alors rentré sans avoir oublié d'éteindre complètement mon feu avec ma bouteille d'eau.

Citoyen des éléments, mes amis : l'eau, la terre, le feu et le vent, mon pays : la Nature, évidemment.
Chô, vagabond, tout simplement.

Bilan

Je ne sais plus ce que je vous avais souhaité pour l'année 2005. C'est souvent comme ça quand on a une connerie prolifique. Maintenant que j'y repense, j'ai dû vous souhaiter une bonne année, comme tout un chacun, et comme d'hab.

2005 a été terrible.

Pour les victimes du tsunami, il y a eu un grand élan de solidarité que j'ai particulièrement apprécié. Tout espoir n'est pas perdu, malgré l'utilisation qui a été faite des dons. Ensuite, il y a eu les attentats de Londres. Certains diront, ce qu'ils voudront de la politique de Blair, moi, je dis seulement qu'une vie, c'est une vie. Et comme jusqu'à maintenant, personne n'a pu me prouver que j'avais plus d'une vie, je reste assez, beaucoup, voire même très attaché à la mienne. Et ça me dérangerait un peu de la perdre parce qu'un taré se trouvait à mes côtés dans le métro de Londres. Et comme il y avait plusieurs tarés dans plusieurs wagons qui ont fait plusieurs malchanceux.

Puis il y a encore eu la famine au Niger, qui a aussi fait des milliers de morts. Cette famine due à la sécheresse a été accrue par l'invasion acridienne de 2004, parce qu'il semble que quand on a la poisse, faut l'avoir jusqu'au bout. Pour les victimes nigériennes, il y a eu un grand élan, d'indifférence totale qui m'a particulièrement atterré. Ensuite il y a eu à nouveau des inondations, aux Etats-Unis, cette fois. Pour les victimes américaines, il y a eu un grand élan d'incompétence de la part des autorités, et une grande indifférence de la part de «Junior" qui ne m'a pas particulièrement étonné. Ca lui a au moins servi à améliorer ses stats sur le chômage. Enfin, il y a eu le tremblement de terre au Pakistan qui a eu du mal à provoquer de l'émoi malgré ses milliers de victimes. La lenteur de l'aide internationale m'a d'ailleurs particulièrement consterné.

... Donc, que 2006 SOIT, et que chacun de nous fasse du mieux qu'il peut face à la vie. C'est déjà pas si mal.

Citoyen d'un monde catastrophé, ma route est pleine de dangers, mon pays est une utopie mort-née.

Chô, vagabond dégoùté.

Jour de fête

Fête de la tabaski mardi. Déjà tôt le matin, un pétard énorme a réveillé la ville, suivi d'autres explosions moins fortes. Puis en sortant acheter le pain, j'ai pu voir Bandiagara sous son jour le plus propre, le plus poussiéreux et le plus pollué aussi. Devant chaque maison, des femmes balayaient ou avaient balayé leur coin de rue, et pas une feuille, pas un plastique (pourtant nombreux habituellement) ne traînaient dans les rues. Ce balayage provoquait des nuages de poussière un peu partout, et pour se débarrasser de ces détritus, tous les cinq ou six mètres, on trouvait des petits tas qui brûlaient. Malheureusement, dans ces amoncellements se trouvait plus de plastique que de feuilles ou de bois, ce qui rendait l'air particulièrement irrespirable. Plus tard, vers 9h, je me suis installé devant la maison pour assister au défilé. Comme vous n'êtes pas sans l'ignorer, mais que je vous rappelle quand même, pour la fête de la tabaski, Allah exige que chacun revête ses plus beaux habits pour aller prier. Tout le monde était donc sur son 31, la plupart ayant des boubous flambants neufs. La richesse des couleurs et la diversité des motifs faisaient qu'hormis les boubous unicolores, pas un ne ressemblait à l'autre.

Chance : ils allaient tous à la mosquée, et pour cela, devaient tous passer devant chez moi. Beaucoup y allaient à pieds, mais ceux disposant d'un moyen de locomotion n'hésitaient pas à l'utiliser. Et comme le Malien est particulièrement paresseux, tout le monde cherchait à se faire emmener. On pouvait donc voir des voitures bondées, où on s'entassait pire que dans des taxis-brousse (heureusement, votre grande connaissance du monde africain me dispense de vous dire à combien on peut monter dans un taxi-brousse), de nombreuses motos où se pressaient trois adultes, et y avait même un scooter embarquant deux adultes et deux enfants. Mais le top du top, c'est de monter dans la benne d'un camion avec 68342512068 autres personnes, ou de monter à l'arrière d'un pick-up (genre les gros modèles ricains) avec 68342512065 personnes : on est moins nombreux, mais tout aussi serrés ! Sérieusement, mais j'étais déjà sérieux jusque-là, j'ai vu un pick-up transporter quatre personnes à l'avant et au moins trente personnes à l'arrière.

De retour de la prière, chaque famille sacrifie un, deux ou trois moutons, voire plus, selon ses moyens. Ici, ils en ont tué deux, le troisième attend son tour. Pourvu qu'ils le tuent rapidement, pas pour mes pupilles sensibles, mais parce que j'en ai marre de l'entendre bêler toute la nuit. Il est fréquent que pour manifester l'estime qu'on a pour quelqu'un, on lui envoie un morceau du mouton, ce qui fait qu'on a souvent plus de viande que prévu. Est-ce pour ça que la fête de la tabaski, c'est la fête de la viande ? En tout cas, une semaine avant la fête, les élèves me disaient tous qu'ils allaient manger beaucoup de viande pour la fête, jusqu'à s'en rendre malades (paraît-il que trop de mouton donne la diarrhée).

On a là un autre exemple du sérieux du Malien vis-à-vis de l'école : comme tout le monde doit se faire beau/belle pour la tabaski, les 3/4 de mes élèves se sont octroyé le vendredi précédant la fête, alors que la direction académique leur accorde le lundi et le mercredi pour se préparer et se remettre de la fête, mais tout en sachant très bien que la plupart ne viendront pas de la semaine. Motif : ils ont peur que pendant qu'ils sont en cours, ceux qui restent à la maison ne mangent toute la viande (véridique !). Tout le monde s'octroie donc une semaine pour manger le mouton jusqu'à son dernier poil, son dernier sabot. Bon au niveau culinaire, cette fête de la viande ne m'arrange pas beaucoup, mais bon, après tout, je mange pour vivre, je ne vis pas pour manger. Alors j'ai fait comme les autres, je me suis gavé de bidoche, mais pas trop quand même, pas déconner non plus !

Citoyen de la Tabaski, du mouton, j'en bâfre aussi, mais pas trop, woulla faut pas diconni !
Chô, vagabond bouffeur de riz.

Tabaski fiesta, suite

Après s'être bien gorgés de mouton égorgé, les plus petits se lavent et se parent (toujours de leur plus beaux atours) pour sortir faire le tour des maisons (ici, on dit une concession, ce qui n'est pas tout à fait pareil). Comme les petits occidentaux lors d'Halloween, ils font du porte à porte pour souhaiter une bonne fête et une bonne année à tous en espérant recevoir en retour une pièce ou deux. Ils finissent généralement avec 50 ou 100 FCFA (0,15 euro) en poche. Moi, les premiers à être venus me souhaiter une bonne fête, ce sont les enfants de ma concession. Comme c'était eux, je leur ai donné 100 F chacun, ce qui les a fait hurler de joie à travers toute la concession. Ensuite, je n'ai rien donné aux autres enfants, puisque je suis parti voir mon grand pote De Gaulle (son surnom, comme ça, il se reconnaîtra, et vous pas) qui m'avait invité pour l'occasion. Chez lui, il s'est fait un devoir de ne pas me laisser donner quoi que ce soit aux enfants.

J'avais fait attention de ne pas trop manger, sachant que De Gaulle allait m'empiffrer pendant tout le temps où je serais chez lui, mais à 14h, revenu dans ma chambre après le déjeuner : plâtrée de mouton en sauce avec riz, j'ai vu la papaye que je m'étais achetée la veille. Prétextant qu'elle ne serait plus bonne le lendemain, je me la suis envoyée en 30 secondes, le temps de l'éplucher. Ensuite, je me suis couché pendant une petite heure, le bide bien éclaté, histoire d'accuser le coup. Vers 16h, je suis parti chez le général, et dès que je suis arrivé, il m'a invité à manger, me disant qu'il n'avait pas déjeuné, m'attendant pour ça. J'ai alors été bon pour un deuxième tour : couscous de riz, bidoche de tonmou, que je voulais éviter mais que j'ai pas pu, et une pauvre feuille de chou perdue au milieu pour dire qu'y avait pas que de la viande. Mon bide a commencé à me faire des signes de détresse, alors je lui ai obéi avec plaisir. On a alors bien discuté pendant deux heures, puis la deuxième famille vivant dans la concession de De Gaulle ayant fini de cuisiner, ils m'ont servi. Ne pouvant leur faire offense, j'ai dû goûter à leur couscous de sorgho, sauce moutonnée, évidemment. Bon, mais écoeurant, je ne sais pas pourquoi Puis une demi-heure après, le met que De Gaulle avait préparé en personne spécialement pour moi a été prêt, alors comme c'était pour moi, gigot de mouton au four saupoudré d'un cube de bouillon Maggi (la cuisine d'aujourd'hui) saveur poulet, ‘culé d' mouton ! Mon bide, à force de pleurer en vain, s'était en quelque sorte résigné, tout comme moi, mais heureusement, c'était fini pour ce jour-là, C'était sans compter que pour la femme du général, un plat de putain d'enfoiré de sale mouton au four se doit d'être accompagné d'une bonne "crème", plat local fait de mil et de lait caillé. Sinon, ça ne vaut pas le coup de vivre. Il a fallu que je lui montre que je savais vivre. La "crème" est particulièrement bourrative : généraldegaullement, ils boivent ça le soir, sans manger, et ça les fait tenir jusqu'au lendemain sans problème ! Donc, après m'être assuré que je n'aurais pas faim jusqu'au lendemain, j'avais comme une vague envie de mourir, ou de gerber, tout simplement (!), alors je les ai remerciés de leur hospitalité, de leur gentillesse, et tout ça, et tout ça, puis je suis rentré chez moi avec la vague impression d'avoir pris 826984531065 kilos dans la journée. Mais eux, m'ont pas laissé partir sans me faire promettre de retourner chez eux le lendemain, ma mère, pourquoi tu m'as fait ça ?

Citoyen pourtant pas berger, durant sa vie, le mouton me fait chier, jusque dans sa mort, il vient m'emmerder !
Chô, vagabond overdosé

Sur la route Mopti-Sévaré

Ahh le charme de l'Afrique et de ses transports en commun ! Pour faire Mopti-Sévaré, il faut en moyenne 6 minutes 38 secondes entre le moment où le taxi-brousse part et celui où il arrive. Et il faut environ 12 secondes de plus quand on prend un bâché, localement connu sous le nom de Dourouni. Le taxi-brousse, c'est une vieille Peugeot 504 break où s'entassent dedans 10 personnes (des adultes, il va sans dire), voire 12 quand il y a des enfants. Le dourouni, c'est la même 504 dont l'arrière a été "aménagé" : une bâche (d'où son deuxième nom), et des bancs sur les côtés avec une roue au milieu. A l'avant, le chauffeur et deux adultes, et le cas échéant, un ou deux enfants, et à l'arrière, 16 passagers : 6 de chaque côté, deux entre les deux bancs, derrière le chauffeur, et deux sur la roue, sans oublier l'assistant du chauffeur qui, quand il y a plus de place, en trouve quand même une, ou s'accroche debout à l'arrière, sur le marche-pied. Bien sûr, le taxi ne part que quand il est plein. C'est là qu'on découvre qu'on est toujours un peu plus mince qu'on ne le croie !

Donc, une fois, en prenant un bâché pour le trajet sus mentionné, on s'est entassés jusqu'à la mort, et au moment de partir, le chauffeur dit à son assistant et une ou deux autres personnes qui se trouvaient là de nous pousser. Après quelques mètres, on démarre, crachant notre nuage de fumée usuel (pasqu'y a pas de raison qu'y a que les ricains qu'ont le droit de polluer la planète !). Nous voilà donc partis pour d'autres aventures. Au bout d'à peu près 5 kms, j'entends soudain un gros PAN ! à l'arrière de la voiture, suivi d'une épaisse fumée blanche, et la voiture qui part en live. Habitué à ce genre d'incident, le chauffeur maîtrise à fond le véhicule et s'arrête sans avoir trop dévié. Regardant autour de moi, je ne trouve aucune jolie jeune fille à qui dire : "On est en panne, va falloir qu'on passe la nuit ensemble dans la voiture !", alors je fais comme tout le monde et je descends pour laisser le chauffeur remplacer la roue qui avait pété (mais genre bien pété, hein ! Avec le pneu en lambeaux !). 20 minutes plus tard, nous voilà prêts à repartir pour de nouvelles aventures. Donc, on monte, et le chauffeur démarre, alors l'assistant descend et pousse pendant que le chauffeur démarre, alors les deux gars au bout descendent et aident à pousser pendant que le chauffeur démarre, alors un troisième gars descend aussi et pousse aussi pendant que le chauffeur démarre, alors ils s'arrêtent de pousser parce que y en a marre, et le chauffeur sort pour bricoler son moteur. Re-pause, on descend, et le chauffeur nous sort de je ne sais où une batterie aussi vieille que la Terre, mais sans doute moins que celle en place, puisqu'il les change en deux temps trois mouvements. Et miracle (Allez Luyindula, comme disent les Auxerrois qui sont très pieux), l'éternelle 504 redémarre ! Le chauffeur ferme alors avec précaution (mais pas assez précautionneusement à mon goût) le capot, et nous revoilà prêts à repartir pour de nouvelles aventures. Donc, on se réensardine tous, et nous voilà donc partis, on était partis. Soit dit en passant, je comprends mieux le conditionnement des sardines maintenant : si 16 adultes peuvent s'entasser à l'arrière d'une 504, y a pas de raison que 5 malheureuses sardines ne puissent pas tenir dans une boîte ! J'ai d'autres remarques comme ça tout au long de mon récit, mais je vais abréger, parce que là, le message commence à se faire vraiment long.

Donc, on était repartis. Ca faisait pas 2 kms qu'on roulait que dans un virage, j'entends tout aussi soudainement que la première fois un gros PAN !, cette fois-ci à l'avant de la voiture. Je me retournai pour voir que, c'était le capot qui s'était ouvert ! Et le chauffeur qui continuait à rouler dans le virage ! Alors dans un réflexe tel le serpent qui attaque sa proie, j'allonge au maximum mon cou et voit à même pas 10 mètres devant un âne tirant une charrette ! Le muletier, qui a dû entendre aussi le bruit, était retourné vers nous, avec sur le visage une expression genre "ma mère, pourquoi tu m'as fait ça ?!" et, se tournant aussitôt vers son âne, il le pousse vers le bas-côté à toute vitesse. Voyant que le chauffeur prenait son temps pour s'arrêter, je lui crie (puisque j'étais dans le coin juste derrière lui) : "Stop, stop, y a un âne, stop !" Ce crétin de chauffeur pile enfin (mais avec les freins africains, peut-être était-il déjà en train de piler depuis l'explosion !) à à peine deux mètres du charretier. Alors l'assistant descend constater que le capot ne ferme plus. Re-pause, recherche de corde, de ficelle pour attacher le capot. Quand ce fut fait, on s'est réemboitedesardinés, et - c'est toujours épatant, et ça me fait toujours poiler de constater comme on peut avoir des relations aussi étroites avec de parfaits inconnus - et on est enfin arrivés à bon port quelques trois quarts d'heure après être partis de Mopti.

Douce Afrique qui nous permet de connaître si facilement la chaleur humaine, sauvage Afrique dont les chauffeurs de taxi refusent de partir tant qu'on n'est pas 16 à l'arrière de leur increvable 504, que me réserves-tu encore ?

Citoyen des taxi-brousse, ma route passe par de belles frousses, mon pays appelle à la rescousse.
Chô, vagabond pas maousse.

Sur la route Mopti-Douentza

Suite de mes vacances de Noë l. Douentza se trouve au Nord-Est de Mopti, à la limite du pays Dogon. Un mini-bus peut nous y emmener pour pas trop cher en 3 ou 4 heures, c'est selon le nombre d'arrêts sur la route (y a 180 kms entre Mopti et Douentza). Problème : le bus, comme les taxis, ne part qu'une fois plein, ou presque. Avec ma veine, je n'ai attendu que de 9h10 à 16h (...)

Départ donc à 16h, histoire de pas arriver trop tard non plus à Douentza. MAIS il était écrit quelque part que ça devait continuer à merder au niveau des transports en commun. Déjà, on s'était arrêtés plein de fois, mais on était à peu près dans les temps, puisqu'à 19h30, on était à 50 kms de l'arrivée. 19h30, c'est l'heure à laquelle le chauffeur s'est arrêté sans raison particulière, si ce n'est qu'il avait beau accélérer, on n'avançait pas. Il est donc sorti triturer son moteur pour voir ce qui n'allait pas. C'est au moment où, curieux, je suis arrivé à côté de lui qu'il a extirpé du moteur une courroie en lambeaux. Je lui ai demandé si c'était celle de distribution, mais non, heureusement, c'était l'autre, celle de la dynamo. On a alors attendu qu'une voiture passe pour lui demander, non pas de nous tirer jusqu'à Douentza, mais d'y chercher une courroie et de nous la faire envoyer. Quelques temps après, un mini-bus est arrivé de Douentza, nous a balancé quelques courroies au passage, et a continué sa route. Le chauffeur et son assistant, qui s'étaient entraînés à réparer les dégâts en regardant désespérément le moteur, se sont alors livrés à un numéro que je qualifierais de magicien : ils supposaient les rôles de chaque pièce : si tu dévisses ça, ça devrait faire ci, si tu desserres ci, ça devrait faire ça, etc, etc. Si bien qu'en une heure de tâtonnements, ils avaient réussi à remplacer la courroie alors que le chauffeur m'avouait quelques instants plus tôt ne jamais avoir touché à un moteur !Trop forts, tout simplement trop forts ! Leur génie mécanique m'avait vraiment impressionné. On s'est alors tous réembarqués, et, les courroies ne tournaient pas ! Re-descente, réexamen du moteur, et pendant que le chauffeur regardait désespérément ses courroies, pris d'une grosse envie, je partis faire une commission. Le temps de m'alléger de mon superflu pondéral, et j'entendais le chauffeur démarrer et tout le monde de sauter dans le véhicule. C'était réparé ! Comment il a fait pour faire tourner les courroies ? Je ne le saurais jamais, vu ma connaissance de la mécanique, mais qu'importe, on avançait à nouveau ! Alors nous voilà repartis pour de nouvelles aventures, mais dix minutes plus tard, v'là-t-y pas qu'on repile au milieu de nulle part. Verdict : crevaison. Au moins, cette fois-ci, c'était plus simple à réparer, me dis-je. C'était sans compter sur le fait que le cric était trop petit et ne soulevait pas assez la voiture pour qu'on puisse mettre la roue gonflée (mais pas neuve). Heureusement que le premier mini-bus qui est passé s'est arrêté et nous a dépanné avec son propre cric. Ensuite, on est arrivés sans problème à Douentza, à 23h !

Chère Afrique dont les voitures ne sont jamais sûres, mystérieuse Afrique dont chaque déplacement est une aventure, ne m'épargneras-tu donc jamais ?

Citoyen des mini-bus, faire la route de cesse je n'eusse, voir du pays sans encombre est un plus.
Chô, vagabond sans rictus

Ca sent le roussi

La saison des pluies s'étale du 15 juillet au 16 juillet, bon, j'exagère un peu, mais c'est pas loin de la réalité. Comme je l'ai dit et le croyais, il y a eu une toute petite, très petite, trop petite saison des pluies l'année dernière. Mais quand je suis arrivé à Bandiagara, les arbres verts et l'abondance manifeste d'eau m'ont vite persuadé du contraire. Les membres de ma famille d'accueil allaient jusqu'à se doucher deux fois par jour. Et moi qui croyais à la sécheresse dans la région. Bon, maintenant, avec le froid hivernal (à peu près 15 la nuit, et jusqu'à 28 au plus fort de la journée, un froid de cagnard !), ils ne se douchent plus qu'une fois par jour. Ca caille trop, woulla nardine ! Même si la rivière est à sec depuis mon arrivée, les puits semblent inépuisables tellement les Bandiagarois y puisent d'eau à longueur de journée. Mais j'ai bien dit "semblent". Depuis deux semaines, tout le monde parle de pénurie d'eau. L'eau est effectivement de plus en plus vaseuse et la queue autour du puit est de plus en plus longue. Sacrés crétins de Maliens, tous les ans, de janvier à juillet, ils crèvent de soif (presque), mais de juillet à décembre, ils gaspillent à fond l'eau qu'ils ont ! Il faut les voir arroser la cour avant de balayer (comme ça, ça fait moins de poussière !), il faut les voir laver abondamment la vaisselle, il faut voir ces filles, ces femmes pour qui rien ne compte plus que de paraître belles, ce qui les amène à changer d'habits tous les midis : il n'y a pas un jour où ils ne font pas de lessive. Il faut les voir se laver les mains et les pieds toutes les heures –j'exagère encore, mais pas loin. Bon, pour les pieds, c'est vrai que ça aide à pas choper de saleté, mais moi qui viens d'ailleurs et qui devrait attraper plus facilement des microbes qu'eux, je ne me lave les pieds qu'une fois par jour, et encore, c'est à l'heure de la sieste, histoire de pas salir mon drap (!), et je n'attrape pas de maladies du moins pas pour l'instant. Eux, ils se les lavent quatre ou cinq fois par jour, sans compter les ablutions rituelles précédant la prière où ils sont tenus de se laver correctement les pieds, les mains et le visage, Et comme les musulmans prient cinq fois par jour, Et maintenant, ils commencent à parler de pénurie ??? Je voudrais tous les prendre un par un et leur foutre un coup de pied au cul, à ces crétins !

Du coup, moi, j'ai décidé de faire des efforts, et surtout de leur montrer l'exemple. Je ne me lave plus qu'une fois tous les deux ou trois jours. Le jour où je leur ai expliqué ça, la mère de famille m'a dit que chez elle, il n'y avait pas de pénurie, qu'elle avait spécialement payé quelqu'un pour aller puiser de l'eau pour ne pas être en manque et que je n'avais pas à m'en faire. Alors je lui ai expliqué que c'était pas parce qu'elle puisait beaucoup d'eau pour ne pas être en manque qu'elle contribuait à résoudre le problème de pénurie d'eau, qu'il valait mieux se laver moins et se restreindre à tous les niveaux. Elle a ri et a reconnu que c'était vrai, mais le lendemain et les suivants jusqu'à maintenant, rien dans leur attitude n'a changé.

Bon, après tout, je ne suis pas prisonnier au Mali, je pars d'ici quand je veux. C'est eux qui connaissent la galère six mois par an. Je ne me prétends pas plus sage qu'eux, j'essaye juste de leur donner mon opinion par rapport à une situation. S'ils n'en veulent pas, je ne vais pas non plus la leur imposer. Je continuerai donc ma contribution de mon côté, et basta pour leur attitude qui me semble stupide. Mais comme Forrest disait, "n'est stupide que la stupidité" (stupid is as stupid does).

Citoyen de Bandiagara, l'abondance ne me touche pas, l'abus ne me concerne pas.
Chô, vagabond pas comme ça

Tous des truands !

Dernières nouvelles de Dè : le maire est venu à Bandiagara régler quelques papiers, et il est passé me voir. Je me suis donc tenu au courant de l'évolution des quelques dossiers qui m'intéressaient. Pour le programme alimentaire du PAM, la troisième distribution de farine enrichie a été faite dans l'urgence la semaine dernière. Ils se sont rendus compte que diverses petites bébêtes avaient commencé à s'attaquer aux sacs qui n'avaient pas encore été distribués pour que les villageois les consomment au plus vite. Le PAM, dans sa grande sagesse, leur a tout livré d'un coup, et surtout, leur a livré des sacs dont la date de péremption était proche, puis au village, ils se sont rendus compte que cette dernière était dépassée. Alors "d'après une étude", réalisée on ne sait comment, ni par qui, l'ONG chargée de distribuer la farine a décrété que celle-ci ne craignait rien malgré la date limite dépassée, suffit de bien la tamiser avant de la consommer ! Je n'ai pas pu m'empêcher de suggérer au maire de garder la farine et de ne pas la distribuer pour mettre le PAM devant le fait accompli : au lieu de faire deux livraisons, ils ont choisi de n'en faire qu'une, ce qui a eu les conséquences que vous savez. Comme ça, ça avait le double avantage de les faire réfléchir sur leur manière de procéder et d'empêcher les villageois de consommer la farine périmée, vu que comme ils n'ont rien à manger, c'est sûr qu'ils vont la manger, ce qui éviterait tout risque de maladie. Mais bon, comme de deux maux, on choisit le moindre, et que là, il s'agissait de choisir entre en manger un peu avec le risque de tomber un peu malade et ne pas manger du tout, et courir le risque de ne pas se voir distribuer de nouveaux sacs de farine.

Puis le maire a parlé du sucre, qui devait leur être distribué dès le début du programme, mais qui ne l'a toujours pas été, pour cause de rupture de stock. Depuis le début, je harcèle le coordonnateur du programme à chaque fois que je le vois, et je le fais tellement que ça fait maintenant plus d'un mois qu'il m'évite, cet enfoiré ! L'ONG a fini par charger la mairie de Dè d'informer les villageois que le sucre ne leur serait pas distribué. Heureusement, la mairie a refusé de la faire, exigeant de l'ONG soit de venir annoncer eux-mêmes aux villageois la mauvaise nouvelle (sinon, ces derniers accuseraient la mairie de détournement), soit de s'engager à donner le sucre quand ils le recevraient pour rembourser les villageois. Y a un vieux dicton dogon d'ici qui dit que "mieux vaut tard que jamais". Parce qu'ils sont bien gentils, au PAM, mais ils devraient réfléchir un peu plus avant de lancer des opérations de ce genre. Bon, ok, ils ont procédé dans l'urgence pour parer aux conséquences des attaques acridiennes et à la sécheresse, mais quand même ! Et puis ils devraient avoir l'habitude, depuis le temps ! Ils développent un programme d'aide avec une farine enrichie pour nourrir les gamins, mais cette bouillie est infâme sans sucre. Or ils distribuent ça sans s'être assuré qu'ils avaient assez de sucre en stock, ce qui fait que quand ils ont voulu acheter plusieurs tonnes de sucre au gouvernement malien, celui-ci a dit niet, craignant de créer la panique sur le cours du sucre dans le pays. Et maintenant, ça fait plusieurs mois qu'ils cherchent la précieuse poudre en vain. Mais le pire, c'est qu'en distribuant la farine à des blédards sans le sou sans l'accompagner de sucre, ils les obligent à en acheter alors que voir 20 mots plus haut ! Pas malin, tout ça, hein ?

J'ai alors demandé pourquoi ils n'avaient pas demandé à l'ONG de leur donner de l'argent à distribuer aux gens pour compenser. Le maire m'a alors révélé une chose dont je ne me doutais pas (eh oui, pauvre innocent que je suis !) : leur donner de l'argent serait se passer d'intermédiaires, ce qui permet une plus grande transparence, ce qui n'est absolument pas désiré, puisque le recours à des intermédiaires (même si ça entretient l'activité économique du coin, c'est vrai) permet toutes sortes de détournements dont on ne peut pas (jamais) retrouver l'origine !

Il m'a ensuite parlé d'un autre problème : parmi les bidons d'huile distribués (pour la cuisson de la bouillie), plusieurs ont été ouverts par X (ce X, il en aura fait, des conneries, dans sa vie !), probablement les transporteurs (dixit le maire), et ont été un peu allégés de leur contenu. Un litre par ci, un litre par là, et c'est comme ça qu'on se retrouve avec 50 litres d'huile gratuits ! Tous des pourris, j'vous l'jure ! Je ne sais pas ce que compte faire le maire, mais moi, je me vois bien faire un long courrier expliquant tout ce que j'ai vu ou entendu de ce programme au PAM !

Enfin, il m'a parlé des sacs de mil distribués par une autre ONG, toujours pour aider les villageois : les expéditeurs des sacs leur ont livré de nombreux sacs de 100 kilos pesant entre 75 et 85 kilos ! Jusqu'à 25 kilos de mil "égarés" par sac ces gros sacs ! Y a pas à dire, hein, parmi ceux qui vivent du commerce humanitaire, certains sont quand même bien pourris !

Bon, la suite de cette affaire quand Sherlock Chôlmes aura poussé plus loin ses investigations. En attendant, portez-vous bien, "chaque jour est une vie" (Laurent Sadoux, journaliste à RFI).

Citoyen d'un monde de cons, ma route était pourtant pleine de bonnes intentions, mon pays se révèle plein de gens pas cool, ça non !
Chô, vagabond marron

Promenade à Douentza

Encore suite de mes vacances de Noë l. Douentza est une bourgade sympa. Le village en lui-même n'est pas top. Trop étalé, étiré, trop baigné de soleil, mais les environs sont chouettes. Au sud, quelques collines de gros rocs permettant des escalades faciles, comme je les affectionne. On bondit de rocher en rocher, on se contorsionne, on s'accroche, on s'accroche à des prises pratiquement toujours sures, on se laisse suspendre au-dessus du vide, je dois avoir des origines bouquetines ! Juste derrière cette série de collines, une grande falaise que je soupçonne être le début (ou la fin) de la fameuse falaise de Bandiagara, celle où se sont encastrés les célèbres villages dogon. Ca devrait faire une promenade tout à fait sympa, ça ! Moi, je n'ai pas poussé ma balade jusque là-bas, réservant ça pour une prochaine fois, peut-être ! Une fois en haut des collines, on peut voir en bas combien Douentza est un village épars et pillé (heu, c'est pas vrai, mais ça m'a pris comme ça de faire un jeu de mot pourri !). En portant le regard plus loin vers le nord, d'immenses mégalithes genre Monument Valley, aux States, comme vous n'êtes pas sans l'ignorer. Ces rochers apportent un peu de hauteurs cassant enfin le paysage désespérément plat qu'on voit quand on fait Bamako-Mopti, puis Mopti-Douentza en voiture. Et ils donnent un avant-goût des paysages qu'on peut voir de Douentza à Hombori, d'après mon GDR. Aller grimper ces collines, surtout la dernière, qui forme une sorte de tour, doit constituer une sacrée balade. Voir enfin de la hauteur (alors que je suis en pays dogon, comble !), me promener entre ces rochers, grimper, bondir, sauter et enfin vivre, Ces quelques jours à Douentza ont été vraiment cool, même si j'ai pas pu aller voir les éléphants du Gourma (jusqu'à 80 000 FCFA, soit quelques 120 euros par jour, ces enfoirés de voleurs de guides !

Citoyen des collines, ma route, ma grande copine, mon pays, ses sommets, ses ravines.
Chô, vagabond pas "in".

Chahuts en classe

Lors d'un cours, j'ai posé trois questions aux élèves :

- Est-ce que les garçons travaillent à la maison ?
- Est-ce que les filles travaillent à la maison ?
- Est-ce que c'est juste ?

A la première question, comme prévu, les avis ont divergé, les filles ont crié que non, tandis que les garçons tentaient de faire croire que oui, et moi essayant d'avoir le calme. J'ai alors posé la question uniquement aux garçons. Ceux-ci ont dit que oui, sous les hurlements de désapprobation des filles. J'ai donc demandé l'avis des filles, qui ont hurlé leur vérité.

Deuxième question aux garçons : non, bien sûr, puisque ce sont eux qui bossent (les faux-culs !), en se cachant des coups de leurs voisines respectives, le cas échéant. Deuxième question aux filles : oui, désespérément oui, sous des cris de plus en plus stridents, et sous les "non" énergiques des garçons. Tout le monde était debout, à me crier sa vérité.

Mort de rire, je fais alors un tableau : une colonne rubrique, une colonne garçons, une colonne filles. A la première ligne, je mets "cuisiner", et demande qui cuisine à la maison. Les filles, debout sur les bancs, crient que ce sont elles, tandis que quelques garçons un peu maso osent dire que ce sont eux, morts de rire, en supportant les coups de leurs hystériques voisines.

Je mets alors une croix dans la colonne fille, obtenant des cris de victoire aiguë s. Je note ensuite sur une deuxième ligne "vaisselle", et leur pose la question sur la vaisselle. Mêmes cris, mêmes réponses hurlées, mêmes scènes de baffes indignées, et une deuxième croix chez les filles suivie des mêmes triomphes cacophoniques.

Alors les garçons me crient qu'ils travaillent aussi, qu'ils vont puiser l'eau. Alors je mets "puiser l'eau", et leur demande qui le fait. Maintenant debouts aussi, les garçons s'imposent avec véhémence, malgré les protestations bruyantes des filles qui disent qu'elles aussi vont puiser l'eau. Croix pour les garçons sous des tonnerres de manifestations de joie ou d'indignation, selon les sexes. Chacun y va alors de son argument, et toujours dans le chahut, je capte "balayer", que j'écris au tableau.

Sans plus avoir besoin de parler, je me retourne avec un regard interrogateur. De plus en plus folles, les filles tapent de plus en plus fort leurs voisins, qui, de plus en plus faux-culs, clament que ce sont eux, de plus en plus morts de rire. Mais avec plus de soixante furies qui s'époumonent à dire que ce sont elles, et comme la plupart d'entre elles ont de plus gros poumons que les garçons, je finis par accorder une croix supplémentaire au sexe soi-disant faible, un peu aussi de peur de créer une émeute.

Chauffés à blanc et voulant défendre leur honneur, je parviens à discerner parmi les arguments donnés par les garçons "aller aux champs", que j'écris. Là, quelques filles s'aventurent à dire que elles aussi, sous les clameurs de triomphe des garçons, chez qui je viens de mettre une croix. Puis les filles donnent à leur tour leurs arguments (mais sans les montrer, au grand dam du pervers que je suis, sniff !) et je crois comprendre un truc comme "laver les habits".

Nouveaux débats assourdissants sous mon regard de plus en plus mort de rire, puis pour éviter que les filles ne charpissent (heu, mettre en charpie, quoi !) leurs camarades dans un accès de folie collective, je leur accorde vite une nouvelle croix. Re-triomphes, re-échanges de baffes à sens unique, mais il était temps de calmer l'ambiance, alors je mets fin au débat, non sans mal, évidemment. Une fois le calme revenu, je leur montre la ligne "puiser de l'eau" et leur demande si ça se fait à la maison. Tout le monde me dit que non, alors je barre la ligne, sous le ravissement des filles. Ensuite, je demande si "aller aux champs", c'est un travail de la maison. Et là, toutes les filles crient que non, alors je barre encore la ligne, encore acclamé par les filles.

Je demande alors si oui ou non, les garçons travaillent à la maison. Triomphe assourdissant des filles, qui dans leur exubérance, se remettent à frapper les garçons. Enfin, je leur demande si c'est juste, et d'une seule voix, tout le monde me dit que oui, c'est juste que les garçons ne fassent rien à la maison. Alors je l'ai écrit au tableau.

Tout ça pour dire quoi ? Eh bien pour dire que même si je ne pensais pas comme eux, j'ai écrit ce qu'ils pensaient. Je n'ai pas voulu leur imposer mon point de vue, même pas lancer un début de débat là-dessus. Je suis dans une autre société dont la pensée n'a pas changé depuis des siècles. Qui suis-je, moi, petit Hmong occidentalisé, pour vouloir changer cette façon de penser dont ils s'accommodent si bien ? Je vis dans un autre pays, une autre société, je n'ai qu'à accepter leur mentalité. Je n'ai pas à leur imposer ma façon de penser, à chercher à les changer. Ce serait leur manquer de respect, non ?

Le père Jules disait "veni, vedi, vicci", ou un truc de ce genre. Moi, je préfère dire que j'y suis allé, j'ai vu, et je suis reparti pour rapporter qu'à tel endroit, les gens vivent comme ci, qu'ils pensent comme ça, qu'ils font comme ci, qu'ils sont comme ça. Voir du pays, rencontrer des gens, vivre avec eux et les prendre comme ils sont, tout simplement. Il vaut mieux chercher à comprendre les raisons qui les poussent à agir de telle ou telle manière avant de les critiquer en regardant son nombril.

Citoyen des salles de classe, pour une de mes croix, les élèves se tabassent, pour une de mes lois, quelles lois ? Espèce que jackass !
Chô, vagabond fugace

Djenné, la Tombouctou du sud

Suite et fin de mes vacances de Noë l. D'après les guides touristiques, Djenné est incontestablement la plus belle ville du Mali, et son marché est le plus pittoresque et le plus coloré du pays. Le marché se tient tous les lundis au pied de l'immense mosquée de Djenné, la plus grande construction en terre (banco) du monde. Malheureusement pour les plus curieux, on ne peut y entrer si on n'est pas musulman. Toute la ville est construite en banco, ce qui donne à l'ensemble une couleur monochrome assez étrange, mais bon, chacun ses goûts.

C'est vrai que le marché au pied de la mosquée lui donne un aspect irréel. Et les femmes qui viennent y vendre leurs condiments et autres babioles mettent leurs plus beaux habits, leurs plus beaux bijoux, diversité des couleurs qui contraste fortement avec les murs marron/gris de la mosquée et même, de toute la ville. On dit que ce marché est particulièrement beau, mais personnellement, je n'ai pas trouvé ça exceptionnel. Mais comme les guides disent qu'il faut absolument voir Djenné le jour du marché, je me suis prêté au jeu et ai fait mon touriste moyen. Je ne veux pas prétendre vous donner un cours d'histoire alors que vous le savez très bien, mais je rappelle que Djenné fut créée au IXe ou XIIe siècle, selon les versions, et qu'elle créa une ville à son image plus au nord du pays pour développer le commerce de l'or, du sel et des esclaves. Comme souvent, l'élève dépassa le maître, puisqu'au fil du temps, et jusqu'à aujourd'hui, Tombouctou est devenue et reste beaucoup plus connue que Djenné dans la mémoire collective occidentale. M'enfin bon, passer une journée à Djenné (dont cinq ou six heures de bâché, serrés comme je serre les fesses quand je vois un homo avec un sourire pervers derrière moi), ça vaut le coup quand même (Djenné, pas l'homo !). Attention toutefois aux photos. Demandez aux gens si vous pouvez les prendre en photo. J'ai vu une stupide toubab mitrailler les vendeuses du marché, et partout où elle mitraillait, les bonnes femmes la chassaient à coups d'insultes sûrement bien placées sous son indifférence la plus totale. Quelle conne,

Citoyen de Djenné, dans le banco je suis né, dans les marchés j'aime déambuler.
Chô, vagabond pas dgêné.

Au printemps, les fleurs éclorent

Les moeurs débridées des élèves des Maliens en général, et leur envie permanente de jouir de la vie sous tous ses aspects ont des conséquences désastreuses sur leurs résultats scolaires. Mais ils s'en foutent, leurs parents s'en fichent, les enseignants, aussi lubriques que les élèves, font les faux culs quand ils en parlent devant moi, mais en fait, s'en tapent et essaient juste de niquer tous les petits culs qu'ils voient, les conseillers pédagogiques, tant qu'ils touchent leur salaire à la fin du mois, s'en moquent, et le gouvernement s'en pète, mais fait semblant de combattre ça pour ne pas perdre son électorat.

A propos des pratiques des profs, ça a l'air d'être généralisé à toute l'Afrique de l'Ouest. On a ici quelques numéros d'un magazine pour jeunes, et dans l'un d'eux, ils avaient demandé aux lecteurs leur avis sur les profs. En gros, et quelque soit le pays du lecteur, l'avis peut se résumer ainsi : "Arrêtez de nous noter en fonction de notre tour de poitrine, halte aux NST (notes sexuellement transmissibles) !" Les élèves, malgré leur jeune âge, sont tout à fait conscients du phénomène, mais n'osent rien dire. Les adultes espèrent juste caser leur fille avec un fonctionnaire, les autres profs hommes sont jaloux de celui qui arrive à coucher avec telle ou telle fille, les profs femmes font comme si elles ne voyaient rien, et de toute façon, c'est même pas sûr qu'elles voient quelque chose, puisqu'elles sont absentes en moyenne une fois sur deux (toutes des feignasses !). Les hommes aussi pratiquent l'école buissonnière, ils ne sont pas mieux, mais comme chaque absence les empêche de conclure avec telle ou telle fillette Bien sûr, comptons parmi eux les habituelles exceptions qui confirment la règle.

Le taux d'absentéisme des élèves aussi est important (une fois, j'ai eu 74 présents sur un effectif de 124 ou à peu près !). Mais que voulez-vous, c'est pour eux le meilleur moment pour "conclure dans les foins", alors Donc, pour en revenir au motif de ce message : avec cette sexualité frénétique, dans mon école (collège en fait, mais ici, ils disent école de second cycle), il y aurait TOUS LES ANS une soixantaine de filles qui accouchent avant la fin de l'année (sur un total de 800 élèves, toujours à peu près), sans compter celles qui ont déjà accouché les années précédentes. De plus, paraîtrait-il qu'il n'est pas rare de trouver des filles mères au premier cycle (CP à CM2). Mais bon, avec les redoublements, triplements, voire quadruplements, l'âge des élèves ne correspond pas souvent avec leur niveau de scolarisation. Le record : un garçon de 18 ans en 5e année (CM1) ! Ca ma rappelle la blague raciste :
"Mohamed et David sont en CM1, qui a la plus grande bite ? Mohamed, parce qu'il a 15 ans !" Pour cette année, jusqu'à présent, paraîtrait qu'il y en a eu trois ou quatre qui auraient déjà accouché, dont la copine d'un des fils de ma logeuse. Et là, plusieurs filles ont bien grossi, depuis le début de l'année. C'est pour le printemps, quand la nature renaît, quand les fleurs éclorent

Citoyen de l'éducation, les profs, presque tous des cons, les élèves, c'est pas bien mieux, mais bon,
Chô, vagabond sans façon

Remède contre la froideur des nuits africaines

En visite à Bandiagara, mon-logeur me fait entrer dans une famille où une jeune femme doit lui confier les habits de sa fille pour une autre du bled qui vient d'accoucher. Naturellement, il me la présente : grande, mince, belle, avec des traits fins, le port altier des femmes maliennes, et un regard presqu'aussi fascinant que sa poitrine (elles ont toutes des grosses poitrines ici !!!)

Poitrine-fascinante me dévisage, puis son regard plonge vers mes parties intimes, sans aucune gêne. Si elle m'avait ouvert le froc pour regarder dedans, ç'aurait été pareil ! Puis elle dit quelque chose à mon-logeur, qu'il s'empresse de me rapporter : "Elle dit qu'elle t'aime, et que si tu veux, elle va venir chez toi à Dè pour vivre avec toi." Alors moi : "Attends, elle a un gamin en bas âge, alors elle est sûrement mariée, et elle veut venir habiter avec moi ?! J'ai pas envie d'avoir des ennuis avec son mari, moi !" Mais mon-logeur m'explique que y a pas de problème, puisque je la payerais pour "consommer", et que c'est uniquement pour que je ne dorme pas seul pendant mon séjour. Et de toute façon, si je veux, elle m'accompagnera en France, et on se mariera, comme ça, y aura pas de problème. Alors moi, je leur dis que ah mais non, ça marche pas comme ça, je ne veux pas payer pour consommer, je ne veux pas d'une prostituée ! Mais Poitrine-fascinante me dit que ce n'est pas de la prostitution, puisqu'elle m'aime. Mais bon, dans un éclair de génisme, je me dis qu'elle m'aime pour mon compte en banque et pour la possibilité pour elle d'échapper à sa misère. Alors je refuse tout de go, malgré qu'elle soit grande, malgré qu'elle soit mince, malgré qu'elle soit belle, avec des traits fins, malgré son port altier de femme africaine, et malgré son regard presque aussi incroyable que, Poitrine-fascinante, malgré son enfant et son mari, voulait se prostituer pour moi, comme ça, tout naturellement, pour gagner un peu d'argent. Après tout, on s'en sort comme on peut, dans ce coin du monde où la misère se marrie si bien avec la joie de vivre.

Citoyen d'un monde misérable, Poitrine-fascinante veut s'en sortir, c'est louable, mais dans ma philosophie, le bonheur n'est pas achetable.
Chô, vagabond pas fréquentable.

Toubabisation, la blancheur à tout prix

Le noir, cest pas beau. Le noir, berk, berk, berk ! Le blanc, ça beau ! Ca très bien !, Cest sûrement ce que pensent beaucoup de filles ici. A croire quelles ont honte de leur couleur. Du coup, certaines (mais une minorité, heureusement) s'aspergent de crème blanchissante. Ces crèmes éclaircissent la peau tout en l'hydratant et en l'adoucissant. Elles sont tellement populaires qu'elles sont trouvables partout : dans les petites boutiques, sur les tabliers (étalages ambulants proposant tout et n'importe quoi pour pas cher), dans les stands de vente, etc. Et il y en a de toutes tailles, pour toutes les bourses, pour tous les goûts. Ces crèmes ont l'air de bien marcher. En fait, oui, ça marche bien, puisqu'une des filles de ma logeuse en utilise. Alors que ses frères et soeurs ont une couleur très noire, elle, a un teint beaucoup plus clair. Au début, je me suis dit que c'était sûrement la fille du facteur, mais, clin d'oeil à Widad, comme au Laos, il n'y a pas de facteur ici. J'ai alors demandé comment cette fesse, heu, se fait-ce, et c'est là qu'on ma parlé de cette crème magique bien connue de Michel, fils de Jack (clin d'oeil à Marsouin, Malik et Hélène, qui pourront fièrement expliquer mon jeu de mot pourri à ceux qui n'auraient pas compris). Pourtant, elle na pas besoin de ça, la fille de ma logeuse, parce que je la trouve pas mal (traduction : elle a un beau cul) et elle est vach'ment sympa (elle a une grosse poitrine). Bon, surtout, ce qui me fait regretter qu'elle utilise cette potion magique, c'est que cette dernière n'a pas que la faculté de blanchir la peau En fait, au fil du temps, elle détruit la peau et provoque de graves brûlures tout en laissant des traces indélébiles sur la peau. Je me demande si une telle crème n'est pas aussi un peu cancérigène sur les bords! Et encore, elle est vicieuse (la crème, j'aimerais que ce soit la fille, mais la crème) : quand on a commencé à l'utiliser, on ne peut plus s'arrêter, sinon, des tâches noires apparaissent sur la peau (beaucoup plus noires que la peau d'origine paraîtrait-il), ce qui donne un effet dalmatien, Ce qui fait qu'on peut se réjouir de paraître plus blanche au début, mais faut accepter plus tard d'avoir la peau tachetée, sans compter la souffrance des brûlures. Ou alors, accepter de passer le reste de sa vie à acheter de cette crème. Et pour ne pas vous raconter de conneries, j'ai même acheté un pot, pour voir (mais pas vérifier, pas envie de me retrouver avec une peau de girafe, moi !).

Le pire, c'est que tout le monde le sait, tout le monde connaît ces effets. Mais on dirait bien que ceux (parce qu'il y a aussi des gars qui font ça) qui utilisent ces crèmes en acceptent les conséquences. Moi, j'ai envie de dire à Fille-pas-mal-et-vach'ment-sympa que y a aussi Omo qui lave plus blanc que blanc, mais comme elle connaît pas Coluche, Après tout, si elle connaît et accepte les risques et conséquences de sa conduite, pourquoi m'en mêler ?

Citoyen d'un monde crémeux, devenir plus blanc, est-ce plus mieux ? Perdre la santé, est-ce si peu ?
Chô, vagabond douteux

Et la mort me regarda en face

Au cours d'une petite balade à moto au cours de laquelle je découvrais les joies de l'enlisement dans le sable (parce que punaise, c'est vraiment galère de se retrouver prisonnier du sable et de devoir en sortir une moto de plusieurs tonnes à la seule force de ses puissants biceps ), je décidai d'aller escalader une falaise d'environ 89587523566712780m de haut bon, d'accord, de 10m seulement. Tout à ma concentration, j'essayai par un chemin à priori assez facile, mais me retrouvai rapidement coincé à à peine deux mètres de haut (vraiment rapidement !). Explication avec du recul : la richesse et la diversité de mon alimentation malienne m'avaient beaucoup affaibli. Il faut dire que j'avais dû perdre quelques 10 kilos depuis mon arrivée dans ce pays, à force de ne manger que du riz et du mil en alternance un jour sur deux. Ce qui fait que j'avais été incapable de me hisser à la seule force de mes puissants biceps à un endroit critique.

J'optai alors pour un demi-tour dans les règles de l'art. Les amateurs seront peut-être d'accord avec moi, c'est toujours plus facile de monter que de descendre, en escalade à moins de descendre la tête en bas pour pouvoir voir ses prises. Mais grâce à ma grande maîtrise, je trouvais facilement des prises et redescendais d'au moins cinquante centimètres avant de me rappeler que je connaissais aussi plusieurs techniques ninja de descente rapide de falaise. Je décidai donc de pratiquer la technique la plus difficile, histoire de pouvoir frimer un peu plus tard, quand je raconterais mes aventures à mes arrières-arrières petits enfants autour d'un feu de camp. C'est ainsi que j'effectuai un fantastico-fabuleux saut requérant toute la force de mes jambes et surtout de mes chevilles, pour me retrouver instantanément au niveau du sol 1m50 plus bas.

Deux secondes après, entraîné par l'enthousiasme d'une technique ninja intacte et retrouvée, je courais tout autour de la falaise pour trouver un passage plus facile d'accès pour en atteindre le haut. Mais bon, à 45° à l'ombre, sous ce soleil de plomb, même mon corps surentraîné ne put résister, et j'arrêtais de courir deux mètres plus loin. En fait, toujours avec du recul, je pense que j'aurais pu continuer à courir comme ça pendant des heures, mais j'avais repéré un endroit permettant l'escalade deux mètres plus loin, ce qui expliquait mon arrêt à peine après avoir commencé à courir. Je commençais donc à grimper par là, mais nouveau blocage et nouvelle recherche tout en restant en hauteur. C'est en me déplaçant au sein même de la falaise que je tombai soudainement sur une grotte emplie de crânes humains et de divers os moins visibles.

Je crois bien que les Telems, le peuple aborigène de la région de Bandiagara, chassés par les Dogons il y a bien longtemps, avaient pour habitude de cacher les dépouilles des leurs dans les grottes. D'où la présence de tous ces ossements ? Le plus bizarre : il y avait surtout des crânes, très peu des restes des corps. Et en plein milieu de la grotte, trônant sur un petit monticule de terre, un crâne semblant beaucoup plus grand que les autres me faisait exactement face et me fixait. Il semblait me dire : "Que fais-tu là ? Pourquoi viens-tu troubler notre repos éternel ? Comment oses-tu profaner ce lieu sacré ?" Et il paraissait tellement aligné face à moi, tellement les yeux dans les trous d'yeux, nez à trou de nez, que ç'en avait l'air surnaturel. Ce face-à-face me donnait des frissons dans le dos, à moi, le ninja aux multiples techniques secrètes !!

Quelques années auparavant, j'aurais visité la grotte, mais maintenant, avec l'âge et l'expérience, j'ai appris à respecter ce qui est sacré pour un autre. Je me contentai donc de regarder la grotte de l'extérieur, et au bout d'un moment, refroidi par ces crânes entassés, reposant depuis plusieurs années, décennies, voire siècles (qui sait ?!), je me retirai non sans avoir adressé mes excuses à ce crâne qui me fixait sans relâche depuis tout à l'heure. Je ne sais pas vous, mais moi, je n'aime pas qu'un mort me regarde les yeux dans les yeux.

Citoyen des cavernes, ma route croise des crânes peu amènes, mais mon pays est sans problèmes.

Chô, vagabond pas mécène.

Et l'harmattan se leva

Un soir, on discutait devant la porte de la chambre en profitant de la fraîcheur de la soirée, quand soudain, une grosse bourrasque pleine de poussière est venue nous mettre du sable plein partout. Cette bourrasque reçue par surprise était malheureusement annonciatrice de l'arrivée de l'harmattan. Eh oui, l'harmattan, c'est pas qu'une maison d'édition, c'est avant tout un vent du désert. Il charrie avec lui le sable du Sahara et vous tombe dessus en de fortes rafales, vous arrosant de milliers de grains de sable. L'harmattan souffle au mois de février, en gros sur tout l'ouest de l'Afrique, voire même ailleurs, mais je n'en suis pas sûr, même si je crois bien que si.

Au début assez frais, il peut aussi être chaud, mais toujours très sec. Chô ou Foua, heu, chaud ou froid, c'est cool, c'est même très cool, ce vent. Bon, le sable gêne un peu, parce qu'il m'oblige à plisser en permanence les yeux, ce qui me donne un air bridé qui fait croire aux gens que je suis asiatique. Mais bon, ça, c'est pas trop grave. Et à part ça, c'est cool. Et puis ça complète ma formation de ninja (mais chut, c'est un secret), avec la résistance au froid, à la chaleur (pas une seule fois je ne me suis mis en short depuis que je suis ici !), les longues marches, la traque au crocodile avec un couteau suisse, etc.

L'arrivée de l'harmattan a considérablement réduit le niveau sonore de Bandiagara. Les gens se cachent tous de la poussière et de la fraîcheur (ou de la chaleur), il n'y a personne dehors. Les motos ne pétaradent plus, les gamins ne crient plus, les ânes, ces ânes (!), ne braient plus. Enfin des soirées à peu près silencieuses, si ce n'est le boucan infernal du vent ! L'harmattan déplace tant de sable que quand on arrive à regarder au loin, on voit que ciel et horizon se confondent dans un vague nuage marron. Ce qui est le plus gênant, c'est que le sable tombe du ciel, ce qui fait que personne n'est épargné, que l'on soit aux abords ou au coeur de la ville. Selon les gens d'ici, il arrive parfois que le sable en vienne à cacher le soleil. Les scientifiques appelleraient ce phénomène une éclipse sablonneuse. C'est comme au Moyen-âge, quand les soldats d'un seigneur prenaient d'assaut un château, et que les soldats qui le défendent leur tiraient des flèches dessus. Les premiers devaient alors s'abriter sous leurs boucliers, ce qui les empêchait de voir le soleil. On appelait ça une éclipse flécheuse, j'ai d'autres conneries de ce genre à raconter, mais ça va, je préfère pas aller trop loin dans ma connerie. Ce qui est con, c'est que ça n'a pas duré, alors que les habitants me jurent que d'habitude, l'harmattan souffle tout le mois de février. Bon, tant pis, ça fera moins de sable dans les oreilles, après tout !

Citoyen du vent, ma route est de sable et d'harmattan, mon pays, toujours plus beau, toujours plus grand.
Chô, vagabond, passionnément

À vous autres naïfs

Qui croyez encore qu'il y a des gens honnêtes dans ce monde pourri. A cause de votre confiance et de votre générosité, je me retrouve à devoir acheter des affaires scolaires à ces crétins de miséreux de Dè. Moi qui comptais détourner voter argent pour me taper toutes les p de l'Afrique de l'Ouest !

Désolé du retard, mais j'avais bêtement oublié mon sac (où se trouvaient les factures) chez mon frangin de Paname et je viens seulement de le récupérer. Et comme je voulais tout vous envoyer d'un coup. Bon, ce mail n'est adressé qu'à ceux qui ont donné, mais il y en a dont je n'ai pas le mail (Anne-Cécile toute seule, merci de le lui transférer). Voici la liste des généreux donateurs par ordre comme ça me vient : Leng, Foua, Pay, Ny et Tyn, Sébastien dit "Marsouin", Karim dit "Coach" et Anna, "Miss Grand Coeur" Farida, Annelyse et Greg, Claire et Patrice, Cécile, Cindy, Laure et ses potes ricains, David et ses potes ricains, les parents de David, Sarah et Cyril, Anne-Cécile, Florence et Philippe, Jean-Christophe dit "JC", Sandrine, Widad et Ridha, et François.

Pour le nom du groupe de bienfaiteurs, une seule proposition de Malik : "Les volleyeurs de Bzak", mais y a des volleyeurs parigots (qui a dit avec raison tête de veau ?!), et surtout, les non volleyeurs ont donné autant que les volleyeurs, donc, je garde ingratement ma proposition de "collectif des amis de Chô", tout à ma gloire.

Nous avons donc en tout 830 euros et 200$ + beaucoup de sueur de ma part, mais vous n'en avez rien à faire, d'accord, ce qui donne 347000 FCFA (taux de change : 1 euros = 350 FCFA et 1$ = 240 FCFA bon, d'accord, ça vaut à peine plus : 1 euros = 650 FCFA et 1$ = 550 FCFA). On a donc en tout 647000 FCFA. Voici comment l'argent a été dépensé :

Pour l'école de Dè :

  • 400 cahiers double ligne (pour apprendre à écrire) à 125 FCFA le cahier = 50 000 FCFA
  • 400 cahiers de 50 pages à 100 FCFA l'unité = 40 000 FCFA
  • 600 cahiers 100 pages à 150 FCFA l'unité = 90 000 FCFA
  • 30 cahiers 200 pages (pour les instits) à 3000 FCFA l'unité = 9000 FCFA
  • 40 boîtes de craies blanches à 2000 FCFA l'unité = 80 000 FCFA
  • 10 boîtes de craies de couleur à 2000 FCFA l'unité = 20 000 FCFA
  • 40 boîtes de 50 stylos bleus à 3250 FCFA l'unité = 130 000 FCFA
  • 20 boîtes de 50 stylos rouges à 3250 FCFA l'unité = 65 000 FCFA
  • + un don de 23500 FCFA à la mairie de Dè pour les aider à payer leur dette de fournitures scolaires, parce qu'ils s'étaient endettés d'avance en entendant dire que vous alliez leur envoyer des affaires scolaires (misère quand tu nous tiens ) + 1500 FCFA de frais de transport.

    Pour l'école Mamadou Tolo de Bandiagara (mon école) :

  • 10 rames de papier blanc A4 à 3000 FCFA l'unité = 30 000 FCFA
  • 15 rames de papier blanc A4 à 3500 FCFA l'unité = 52 500 FCFA (qualité supérieure) + 55 000 FCFA qui ont été donnés à Laure et David pour frais d'envoi de 40 manuels d'apprentissage de l'anglais, un don de EF International, les célèbres écoles de langues. Ils ne m'ont pas encore envoyé de copie de la facture, mais faisons-leur confiance.
  • Donc, en tout, si vous avez bien compté, ça fait une dépense de 646500 FCFA, sauf erreur à l'insu de ma perfide volonté. Avec les 500 FCFA restants (environ 0,75 euros), j'ai acheté un Coca (250 FCFA) que j'ai bu à votre santé, puis comme il faisait Chô ce jour-là, j'ai enchaîné sur un Sprite (250 FCFA) que j'ai aussi bu à votre santé.

    Voilà, un grand bravo à vous tous et merci de la part des miséreux de Dè et de Bandiagara. Vous avez trop assuré, mais je n'en attendais pas moins de vous, ô coeurs généreux. Et si vous avez des questions, gardez-les pour vous-mêmes !

    Citoyen du monde, la route est mon amie, la Vadrouille est mon pays.
    Chô, vagabond.

    Ça c'est des vacances !

    Où les vacances de mes amis ricains avec moi au Mali. Des amis américains sont venus me voir pendant 15 jours lors de la deuxième quinzaine de mars. Ils devaient arriver en même temps qu'une amie hollandaise. Leur arrivée étant prévue pour le samedi soir, j'ai dit à mon pote de Bamako d'aller les attendre pour leur faciliter les choses. Malheureusement, le pote ne s'est jamais pointé, ce qui les a amenés à improviser. Le lendemain, ils sont partis de Bamako pour Mopti, où je devais les retrouver à la gare (de Sévaré, banlieue de Mopti). Mais avant de partir, la-Ricaine m'avait envoyé un message pour me dire qu'ils arriveraient le lundi soir. Du coup, je ne savais plus trop quand exactement ils arriveraient. Le dimanche soir, je suis allé vérifier mes messages pour découvrir qu'ils étaient à Mopti depuis midi et qu'ils s'étaient déjà trouvé un hôtel et qu'ils m'attendraient à la gare tôt le lendemain matin (lundi). De son côté, l'Hollandaise m'avait prévenu qu'elle arriverait le jeudi suivant.

    Le lundi matin, je me suis rendu très tôt à l'hôtel indiqué pour leur faire une bonne surprise, mais mauvaise surprise, le réceptionniste me dit qu'ils étaient déjà partis. Je suis alors allé à la gare, mais pas de Ricains non plus. Comme le dit un vieux dicton peul : "Quand tu cherches quelqu'un, montre sa photo", donc, j'ai sorti de ma poche secrète une photo d'eux et l'ai montrée au billettiste des taxis-brousse pour Bandiagara (qui est mon pote) et lui ai dit que si les deux Ricains voulaient prendre un taxi pour Bandiagara, qu'il les en empêche. Puis je suis retourné dans les rues de Sévaré (banlieue de Mopti) pour les chercher, sans oublier de passer par le cyber pour leur dire où m'attendre. Finalement, après quelques allers-retours gare-lieu-de-rendez-vous-gare-cyber-gare-lieu-de-rendez-vous-cyber, on s'est enfin retrouvés à la gare dans l'après-midi.

    On a alors établi notre programme : mardi : visite de Bandiagara, mercredi/jeudi : randonnées à Sangha et la falaise dogon, vendredi : livraison des fournitures scolaires à Dè, samedi/dimanche : Tombouctou et méharée dans le désert, lundi : le marché de Djenné, mardi/mercredi/jeudi : les éléphants du Gourma, vendredi : retour sur Bamako, puis samedi : avion. Un maximum d'activités en deux semaines, aucun jour de repos

    sauf que le mercredi, la-Ricaine n'a pas supporté la chaleur et est tombée malade dans la falaise. Elle écarlatait après avoir rougeassi (p'tain, chuis trop fort en création de verbes !), elle buvait, buvait, buvait, puis vomissait tout, se sentant mal, de plus en plus mal. On n'avait plus d'eau à boire, fallait attendre que le Micropur© fasse son effet sur l'eau récupérée dans un village. Du coup, elle se déshydratait. Après un long et pénible retour au haut de la falaise, on l'a fait ramener au campement en moto, et c'est d'un commun accord avec son mari qu'on a décidé de retourner sur Bandiagara le jour même pour qu'elle se repose. Du coup, glandouille à Bandiagara jusqu'à vendredi, où on est allés à Dè. Le jeudi matin, l'Hollandaise nous avait appelés pour nous dire qu'elle partait à l'instant (10h) de Ouaga en bus et arriverait le lendemain à 10h à Bandia. C'est que c'est loin Ouaga-Bandia, y a au moins 150 Kms ! Alors le vendredi, on l'a attendue jusqu'à 11h, puis comme elle était toujours pas là et qu'elle n'était pas non plus dans le seul bus en provenance de Ouaga de la mâtinée, on est partis à Dè, puisqu'on devait faire l'aller-retour dans la journée (140 Kms de piste !) et arriver le soir même à Sévaré (dans la banlieue de Mopti). Puis le soir, comme on avait rendez-vous avec l'Hollandaise à la gare de Sévaré (banlieue de Mopti), on est allés la chercher. Mais comme pour les Ricains, pas d'Hollandaise. Alors du coup, on n'est pas allés à Tombouctou le lendemain (voir/revoir programme pour ceux qui seraient perdus), puisqu'il fallait l'attendre/la chercher.

    C'est pendant qu'on la cherchait que je me suis dit que punaise, le Ricain tient bien le coup quand même ! Mais en fait, non : le soir même, il tombait malade, passant la nuit avec de la fièvre, à grelotter, à vomir, à chiasser, mais pas trop (je voulais créer un verbe avec diarrhée, mais ça rendait pas trop), et le dimanche et le lundi, aucune amélioration. Chaleur africaine ! Il était le plus mal en point entre 10h et 17h, et après, ça allait mieux. C'est pas la chaleur, ça ? Tant et si bien qu'avec Tombouctou, on a aussi raté le marché de Djenné (mais au point où on en était !). Et le lendemain, ils ont finalement pris le bus à Sévaré (banlieue de Mopti) pour retourner à Bamako et se remettre en état dans une chambre d'hôtel climatisée jusqu'à la fin de leur séjour, pas trop loin de l'ambassade américaine au cas où. Ca fait qu'on a aussi raté les éléphants du Gourma. C'est pas des vacances réussies, ça ?

    Mais tout ça, c'est surtout pour dire que l'Afrique, c'est dur, c'est très dur. Surtout pour les Blancs pas prêts. Il faut une réelle préparation psychologique, et une grosse résistance physique pour y survivre. Mes potes maliens m'ont parlé de gens qui, à peine arrivés, et après une mini-bouchée de nourriture locale, se sont retrouvés tellement malades qu'il a fallu les rapatrier, ou alors ont observé plus d'une semaine de cohabitation avec la chiasse et les vomissements. Bien sûr, y en a plein qui y ont passé un bon séjour, mais y en a aussi plein, comme mes potes ricains, qui ont galéré. Surtout que eux, ont voulu vivre à la malienne, avec moi. Et manger ce que le malien mange quotidiennement. Et se laver avec un seau d'eau dans une pièce obscure habituellement occupée par les rats. Et dormir à la belle étoile. Alors que la plupart des touristes mangent surtout dans des restaurants à la cuisine occidentalisée et adaptée pour eux. Non, c'est vraiment dur, l'Afrique.

    Et à propos, à son retour aux States, les médecins ont diagnostiqué au Ricain une mononucléose, rien que ça, avec encore bien une semaine de maladie, il me semble. Et on n'a jamais vu l'Hollandaise ! Mais comme on dit dans les films où il y a un vieux qui raconte l'histoire : ça, c'est une autre histoire

    Citoyen des pays lointains, j'organise des séjours trop biens, surtout pour mes amis ricains.
    Chô, vagabond padbolien.

    Au fait, vous savez où se trouve Sévaré ?

    Histoire de boulette

    Mes amis américains étaient particulièrement contents de pouvoir loger dans une vraie famille africaine et de connaître la vie à l'africaine : dormir sur le toit, à la belle étoile, manger les plats locaux à la main, se laver avec un seau d'eau, pisser là où on se douche, faire ses besoins dans un trou, se torcher avec la main quoiqu'ils avaient quand même amené leur propre PQ ! Bref, toutes les joies de la vie à l'africaine, quoi !

    Pour leur arrivée à Sévaré, vous savez où se trouve Sévaré, hein ?, on avait dormi chez un de mes potes, et je l'avais prévenu de leur venue, alors il nous avait préparé du riz au gras façon sénégalaise trop top délicieux, et de toute façon, on mange toujours très bien chez mon pote de Sévaré. C'est le jeudi, chez ma logeuse, qu'ils ont été confrontés pour la première (et la dernière) fois au fameux tô, le plat national. Je peux toujours en parler, mais tant qu'on ne se retrouve pas devant le plat même, on n'a pas idée de ce qu'est le tô.

    Ca me rappelle un autre pote qui était venu avec ses élèves en voyage d'étude. Ils avaient eu un traitement de faveur en alternant riz, nouilles et semoule en sauce tout le long de leur séjour sans jamais goûter au plat du pauvre. Sur mon insistance, on leur avait préparé du tô pour leur avant-dernière soirée au Mali. Les rares élèves qui avaient osé y goûter m'avaient demandé si c'était ça que je mangeais depuis des mois, et je leur avais répondu que oui, pratiquement un jour sur deux. Alors ils m'ont demandé comment j'avais fait, et je leur avais expliqué que parfois, il faut savoir manger pour vivre et oublier de vivre pour manger.

    Donc, pour en revenir à mes Ricains, ils ont pu goûter au tô le jeudi. Le tô n'est pas fondamentalement dégueu, il m'est arrivé de goûter à un tô au sorgho avec une sauce à l'oseille sur lequel je m'étais éclaté le bide tellement il était bon. Mais pas de chance pour les Ricains, c'était pas chez ma logeuse, qui a le don de ne rien savoir faire correctement, et qui a une cuisine particulièrement infecte quand c'est pas dégueu. Je leur ai donc expliqué qu'il fallait prendre de la pâte de tô dans la main, la tremper dans la sauce gombo, à laquelle avait été rajoutée au préalable un peu de sauce au poisson, et de manger le tout. Comme vous le savez tous, le gombo a la particularité de rendre n'importe quelle sorte de sauce gluante à souhait, avec des filaments qui s'étirent pire que la mozzarella d'une pizza et a une couleur vert diarrhée qui rend la glutition particulièrement difficile. Mais mes Ricains ont quand même joué les survivors et ont goûté à ce fameux plat.

    La Ricaine en était à sa deuxième bouchée quand elle a eu la mauvaise idée de regarder sa micro boulette de tô, et surtout la petite tâche brune qu'il y avait dessus un truc d'à peine un millimètre de long, quasi-inexistant sur l'infinie étendue de la surface de sa grosse boulette grosse comme au moins une crotte de nez ! Et tout d'un coup, les yeux effarés, elle s'est exclaquestionnée dans un dialecte dogon local : "Is it a worm ?!", soit pour les non dogonphones : "C'est un ver, ça ?!". Alors son mari, qui était sur le point d'avaler sa troisième boulette, a arrêté de manger et a pris la fameuse boulette pour l'examiner. Ne pouvant le dire sous les questionnements incessants et quelque peu anxieux de sa femme, j'ai pris à mon tour la boulette et l'ai regardée scrupuleusement. Sous la lumière du jour, ça avait l'air de j'ai dit "Bon, disons que c'est un ver, et alors ?" et j'ai jeté la boulette.

    Il faut dire que la Ricaine avait été particulièrement frappée par les poissons fumés étalés à l'air libre au marché, avec les nuées de mouches autour. Et là, cette sauce de poisson aux asticots était la goutte de stress qui a fait jaillir le bouton. Comme par magie, mais assez logiquement quand même, deux superbes boutons de stress apparurent sur les lèvres de la Ricaine, boutons qu'elle allait garder jusqu'à la fin de son séjour en Afrique. Quant au tô, la Ricaine a décrété qu'elle n'y toucherait plus, et son mari d'affirmer qu'il n'avait plus faim, sous mon regard mort de rire. Mais comme il ne fallait pas gâcher tout ce bon poisson fumé, et qu'après tout, les vers, c'est plein de protéines, et que j'avais besoin de protéines

    Citoyen d'un mode plein de bébêtes, mes amis ricains sont à la fête, mon pays est un long chemin champêtre.
    Chô, vagabond, saperlipopette !

    Bad surprise

    Avec ce vieux Nicanaud, on avait pris le train pour Kayes d'où on devait partir, moi en moto, lui en bus, pour notre remontée en France. Bamako/Kayes, c'est 510 kms en train, soit quelques 3h en TGV mais en train africain, ça a pris un peu plus de temps : départ à 10h40, arrivée à 2h40 du matin !!! A peine 16h, et sans dérailler, s'il vous plaît ! Parce qu'il paraît que ça déraille souvent. Après tout, j'avais bien mis 15h pour faire Mombasa/Nairobi, alors y a pas de raison que le TGV malien soit plus rapide que l'express kenyan.

    Arrivés à Kayes, on a dû attendre le matin pour qu'ils déchargent ma moto, alors on a décidé de dormir sur le quai de la gare, comme beaucoup d'autres. Avant de dormir, Nicanaud est allé faire son petit pipi d'avant dodo. Je me suis dit que c'était pas bête, alors à son retour, je lui ai demandé où il était allé pour que je puisse m'exprimer aussi. Alors que je vidangeais tranquillement, un docker est passé et m'a engueulé, me disant que c'était pas bien, qu'il était interdit de faire ça, d'ailleurs, c'est marqué. J'ai fait profil bas et ai présenté mes excuses en lui disant que je n'avais vu aucun panneau signalétique. Il m'a alors emmené vers le panneau, qui se trouvait 50m plus loin, dans le noir (je rappelle qu'il était près de 3h du matin), caché derrière un amas de ferraille. Je lui dis ok, mais comment pouvais-je le voir, aussi loin de moi ? Il me rétorqua que c'était pas son problème, que ça se faisait pas, c'était tout, et que je devais payer une amende à la police. Alors moi dans ma tête : "Tiens, on dirait que ça prend une tournure pas cool ce simple pipi !". Et direct, le gars m'emmène au poste de police où il explique mon cas. Le policier, bien corrompu, mais qui faisait son boulot dans cette affaire, m'a fait la morale et m'a dit que je devais lui payer une amende de 3000FCFA (9856436892190 euros bon, à peine moins, peut-être 4,5 euros !). Mais comme je ne voulais absolument pas payer une telle somme pour quelques gouttes d'urine, je lui dis que je n'avais pas de quoi payer. Alors le-sale-flic-qui-ne-faisait-que-son-boulot : "Alors vous passerez la nuit au poste !" Et moi, mesurant le pour et le contre de la perspective d'une nuit au poste : "Bon, d'accord. Il faut juste que je prévienne mon ami qui m'attend sur le quai, et je reviens après" Il me donna l'autorisation de le faire, et je partis rejoindre Nicanaud qui commençait déjà à dormir. Je lui expliquai la situation, et lui mort de rire, qui n'arrivait pas à croire à ce que je lui racontais, m'a conforté dans ma réflexion en observant que c'était plus sécurisant de dormir en taule que sur un quai de gare. Je repartis donc faire ma nuit au poste en lui laissant mes affaires.

    Mais en retournant voir les-sales-flics-qui-ne-faisaient-que-leur-boulot, je tombai sur un gars que je n'avais jamais vu. Je lui demandai où se trouvait l'autre, et il me dit sur un ton sec qu'il était parti dormir, et que c'est avec lui que je devais régler mes affaires. Je lui expliquai ma situation, et il me dit : "Si vous ne payez pas 5000FCFA, je vous garde ici jusqu'à ce que vous le fassiez. Asseyez-vous là." Alors je lui exclamai que ah mais non, son collègue m'avait dit que je ne passerai que la nuit au poste, pas jusqu'à ce que je paye ! Mais ce deuxième sale flic était apparemment nettement plus pourri que l'autre et me dit que je n'avais pas à lui dire ce qu'il avait à faire. Je jouai la diplomatie et tentai de le raisonner, mais il ne voulait rien savoir, comme presque tous les gens de sa sale race de flic. Alors je m'assis et commençai à regarder la télé. Chance dans ma malchance, c'était une émission super intéressante sur je ne sais plus trop quoi. A la fin de l'émission, comme il était 4h du matin et que je commençais à fatiguer sérieusement, je suis allé sortir mon discours de bon gars, que je ressors à tous les flics que je croise pour ne pas qu'ils me fassent ch Je suis retombé sur le premier sale-flic-qui-ne-faisait-que-son-boulot, qui devait être revenu de sa sieste de milieu de nuit entre temps, et lui dis que j'étais peace and love, que je reconnaissais ma faute et que je n'avais aucune excuse, mais comprenez, que j'étais venu ici pour aider le peuple malien, et que j'étais prof à Bandiagara, que je faisais ça gratuitement, que je n'étais payé par personne, que ça faisait six mois que je vivais sur mes économies et que c'était pour ça que je ne pouvais pas payer son amende. Et puis s'il voulait, je pouvais lui montrer un certificat du directeur de l'école de Bandia (heureusement que j'en avais fait faire un !) disant que j'avais bossé là-bas et tout et tout. Sensibilisé par mon discours (ça marche toujours comme je veux quand je leur sors ça !), il a appelé le deuxième sale-flic-qui-ne-faisait-que-son-boulot et lui a ordonné de me rendre mes papiers. Ce dernier a voulu protester, désirant visiblement me faire casquer pour arrondir sa fin de mois, mais le premier, qui était son supérieur, lui a sèchement répété son ordre, ce qu'il a misérablement fait sous mon regard triomphateur mais sans sourire, parce qu'il faut pas se fou de la g des flics, du moins pas devant eux.

    C'est ainsi que je retournai enfin vers Nicanaud qui essayait de dormir sur le quai mais qui n'y arrivait pas. Je lui ai raconté comment je m'en étais sorti et lui ai montré comment dormir sur un quai de gare en m'endormant comme une masse aussitôt après.

    Citoyen des quais de gare, les flics véreux sont pas mes amis, ces charognards, le Mali n'est pas un pays où on peut pisser n'importe où, how bizarre !
    Chô, vagabond quand même un peu connard.

    Tout l'art de plaire

    Cette dernière histoire me rappelle mon dernier contact avec des gens de la sécurité et de l'ordre public pour une infraction. C'était lors de mon voyage de Bandiagara à Bamako en moto. J'avais roulé toute la journée, et le soir, j'arrivais à Ségou (ancienne capitale de l'empire Bambara, et accessoirement, jumelée à Angoulême). Alors que je cherchais mon chemin pour la mission catholique (les missions cathos servent souvent d'auberge de jeunesse dans ce pays) de la ville, un gars m'a dit que j'étais allé trop loin, et qu'il me fallait faire demi-tour, reprendre le rond-point 300m plus bas, et prendre l'autre sortie indiquant direction Bamako, puis à gauche tout de suite après le gros complexe EDM (Electricité Du Mali), sur un chemin de terre (comme ça, vous saurez où se trouve la mission catholique, si un jour vous allez à Ségou, son marché, ses vieilles bâtisses colonialistes !).

    Je fis donc demi-tour pour reprendre le rond-point. Sur le chemin, deux jeunes se précipitent sur moi pour m'arrêter, mais habitué que je suis à ces tentatives de dérangement du pauvre touriste qui ne demande rien d'autre que d'avoir la paix, je les evitai habilement. 50m plus loin, c'est un flic qui me faisait signe de m'arrêter. Bien oblige, j'obtempérai. Avec son autre pote flic, ils m'apprennent que 50m plus haut, il y avait un panneau sens interdit, et que j'aurais dû tourner à droite au lieu de continuer tout droit, et qu'une telle infraction au code de la route méritait une amende. Alors moi en mon for intérieur : "En fait, c'est pour ça que les deux jeunes voulaient m'arrêter ! Donc, ce serait moi qui aurais été con de croire qu'ils étaient cons et qu'ils voulaient me faire ch ! Et d'abord, il était où ce panneau ?" J'ai alors sorti mon plus beau sourire aux flics et ai joué le gars qui a compris son erreur mais qui le prend bien et qui est comme Fonzy : cool, et leur ai expliqué avec une exclamation sincère que je n'avais pas vu le panneau, trop occupé à chercher ma route. J'en profitai aussi pour leur demander comment aller à la mission catho. Mais ces enfoirés refusaient de jouer mon jeu et m'ont demandé mes papiers, que je leur ai sorti sans problème tout en essayant de les acquérir à ma cause en ne cessant de leur parler de la difficulté de trouver sa route quand on n'est pas du coin. Ils m'ont ensuite questionné sur mon séjour au Mali, et là, je me suis dit que c'était bon, que j'allais les avoir. J'expliquai donc ma situation de travailleur bénévole non rémunéré depuis plusieurs mois (ben ouais, je suis faible, je me sers de bons sentiments pour éviter une amende de trois euros, mais il se trouve que je n'ai jamais aimé donner de l'argent à cette catégorie de gens) et leur proposai de leur montrer le certificat que m'avait donné le directeur. Alors le plus vieux des deux montra son intérêt et me remercia de mon aide au nom du peuple malien tout en me félicitant de tout et tout, et moi de me confondre en plates répliques de type mais non, c'est rien, le monde est dans une telle merde qu'il faut bien s'entraider etc. (Je ne sais pas vous, mais moi, ça me gêne toujours qu'on me félicite sur quelque chose que je fais ou ai fait). Mais sans perdre le nord, je gardai un oeil sur le petit jeune qui paraissait plus buté (comme le sont souvent les sales flics !) et ne démordait pas de l'idée de me mettre une amende. Je redemandai alors mon chemin au vieux avec mon air le plus sympa pour le convaincre de ma bonne foi et l'influencer sur la non-nécessité de me mettre un pruneau même pas d'Agen. Il m'expliquait le chemin comme il faut, avec forces détails, lorsque le jeune a re-évoqué l'amende, à mon grand dam, bien sûr (ma mère, pourquoi tu m'as fait ça ?!?!). A ce moment-là, le plus vieux a eu une parole rassurante à mes oreilles, puisqu'il a dit à son collègue qu'on s'en fout de l'amende, tu vois pas qu'il est venu de lui-même pour nous aider, pour aider notre pays ? C'est suffisamment rare, des personnes comme ça, et toi, tu veux lui mettre une amende ? Mais tu vois pas qu'il n'a pas vu le panneau ? Ca arrive à tout le monde, non !? Allez, laisse-le partir et oublie ton amende, merde ! Alors moi en mon for intérieur : "Gniark, gniark, gniark, je suis un pourri, mais qu'est-ce que j'en suis fier ! Je les ai eus !"

    quoique maintenant, avec du recul, ben en fait non, je ne suis pas si pourri que ça, puisque je n'ai même pas menti. Bon, d'accord, je me suis servi de leurs bons sentiments pour faire sauter le PV, mais je suis juste aussi pourri que n'importe qui, pas plus enfin, je crois !

    Citoyen d'un monde qui a tout pour plaire, ma route me fait rouler de travers, mais les flics ne font pas partie de mon pays, circulez, y a rien à vouair !

    Chô, vagabond pas tibulaire.

    A savoir

    Pour qui voudrait acheter une moto et la dédouaner au Mali. Franchement, j'ai galéré pour la faire immatriculer ! Déjà, la très grande majorité des motos ne sont pas immatriculées, une immatriculation signifiant que la moto est dédouanée. Et comme rares sont ceux qui passent la frontière avec leur moto

    Alors pour faire immatriculer sa moto, il faut la déclarer à l'office des douanes via une agence spécialisée dans ce business. Je me suis d'abord renseigné auprès d'une des deux uniques agences de Sévaré qui m'a demandé 170 000 FCFA tout compris alors que ma moto m'avait coûté 250 000 FCFA (380 euros) ! Je lui ai poliment rigolé au nez avant de le traiter de tous les noms. Je rentrai chez moi et en parlai à ma logeuse. Elle me dit que son frère connaissait du monde à Sévaré et qu'il m'aiderait. J'allais alors le voir et il me promit de voir combien ça me coûterait. Une semaine plus tard, il m'annonçait 80 000 FCFA. Jugeant le prix plus acceptable, je lui amenai la moto avec le fils de ma logeuse. Il nous dit d'aller voir l'autre agence, et de demander un de ses potes là-bas. Ledit pote nous emmena à l'office des douanes où il rencontra son collègue concurrent (l'arnaqueur) qui me reconnut. Ce dernier lui demanda si c'était pour moi qu'on venait. Il lui répondit par l'affirmative. Il lui demanda combien il m'avait demandé, parce que lui, avait tenté de m'arnaquer, vu que j'étais un blanc (bridé, s'il vous plaît !), donc forcément avec des moyens, mais que ça n'avait pas marché, et qu'il fallait qu'il me fasse raquer, vu que je lui avais ri au nez. Bien entendu, tout ça en bambara, la langue véhiculaire du pays, pour pas que je comprenne. Heureusement, le fils de ma logeuse était là et m'a tout expliqué après. On a laissé tous les papiers à la douane, puis "Ledit pote" nous a donné rendez-vous une semaine plus tard pour tout récupérer chez le frère de ma logeuse.

    A peine trois semaines plus tard, "le frère" nous appelait déjà pour nous dire d'aller prendre les papiers. J'y allai seul cette fois. Une fois chez lui, "le frère" me dit que tout n'était pas fini, et qu'il fallait maintenant que je lui donne quelques 30 000 FCFA pour avoir la carte grise, puisque je n'avais payé que pour le bordereau + 18 000 FCFA pour la plaque d'immatriculation ! Autre bonne nouvelle, il fallait maintenant attendre que les fonctionnaires de Bamako fassent mes papiers et les lui renvoient, ce qui prendrait à peu près deux mois, vu que j'étais pressé ! Je le regardai de travers et lui dit que je reviendrais le voir quand j'aurais l'argent, et qu'en attendant, je garderais tous les papiers tels quels. Malheureusement, les papiers avaient été envoyés à Bamako et je ne gardais donc que le bordereau. Je retournai alors à Bandiagara bien dégoûté de cette mentalité de merde qu'ont ces enfoirés de maliens de tirer au maximum sur la corde jusqu'à ce que celle-ci pète. Je me sentais tel une vache qui aurait un peu de lait, alors comme on meurt de soif, on la trait jusqu'à ce qu'elle en crève, plutôt que de la laisser se reposer, manger et lui laisser le temps de refaire du lait pour le lendemain.

    Quelques jours après, j'en parlais à mon pote De Gaulle qui, en apprenant les coups bas que je venais d'encaisser, se désespérait de sa condition de malien au milieu de compatriotes tous plus malhonnêtes les uns que les autres. Et pourtant, les guides touristiques insistent bien sur l'honnêteté du malien que j'avérerai dans un autre message, mais pas ici. Il me proposa alors d'en toucher un mot à son beauf qui se trouvait sur Bandiagara, puisque sa femme (et donc soeur de De Gaulle) travaillait à l'office national des douanes de Bamako. On alla donc trouver celui-ci et lui exposai mon affaire. Celui-ci se scandalisa et me dit qu'à tout casser, toute cette opération de dédouanement aurait dû me coûter 50 000 FCFA au maximum, tout compris, et que lui, aurait réglé ça en une journée ! Il m'a alors promis de voir avec sa femme, officier de douane à Bamako, ce qu'il pourrait faire pour moi, et c'est ainsi que je récupérai tous les papiers à peine une semaine plus tard en ayant dû régler quand même quelques 18 000 FCFA pour la plaque d'immatriculation.

    Donc, si vous voulez acheter une moto et la faire dédouaner, de la patience, du courage, et surtout, entrez en contact avec les bonnes personnes ! Ou alors, soyez prêts à bakchicher un max pour tout avoir rapidement. Tous des pourris !

    PS : Ceci n'était qu'une version édulcorée des galères que j'ai rencontrées pour avoir mes papiers, mais l'essentiel s'est passé comme ça, et les sommes sont exactes. En fait, je suis passé par beaucoup plus d'intermédiaires et d'étapes, mais je vous ai fait une version light on dirait pas, hein ?

    Citoyen d'un monde soudain un peu moins beau, ma route croise plein d'idiots, mais c'est tellement cool de voir mon pays à moto !
    Chô, vagabond pas nigaud non mais oh !

    Au rythme africain

    Arrivé à Bamako après un douloureux jour et demi de moto (une lourde chute pour crevaison qui m'a coûté le bas de survêt que mon frère m'avait offert et que je me suis traîné dans tous mes voyages, j'avais trop la haine ! une autre chute parce que je ne sais pas conduire dans le sable, un mal de dos pas possible après ma chute ) depuis Bandiagara, je devais me rendre au bureau de douane national voir la soeur de De Gaulle pour qu'elle me fasse un mot pour passer la frontière tranquillement (enfoirés de bakchicheurs de douaniers !). J'y allais avec Nicanaud, qui se faisait chier de toute façon, et qui voulait aussi se faire connaître, au cas où il faudrait qu'il fasse accélérer la procédure pour dédouaner sa moto, même s'il avait déjà en tête de ne pas l'acheter à ce moment là. La soeurette1 me reçut avec plaisir, surtout que j'avais pour elle une lettre de son frère, et une autre pour soeurette2 qui travaillait là aussi. Pendant ce temps, Nicanaud m'attendait dehors, mais ça va, il faisait à peine 40 !

    Pendant un long moment, elle a lu la lettre du frérot, puis on a parlé de De Gaulle, de Bandiagara, de mes fonctions là-bas, etc. Puis elle appela soeurette 2 et lui dit de venir dans son bureau pour prendre sa lettre. Celle-ci descendit, prit sa lettre et la lut, puis elle se joignit à notre discussion sur De Gaulle. Au bout de bien vingt minutes, je leur signalai l'autre raison de ma venue. Alors soeurette1 me dit qu'elle allait me faire une lettre pour les douaniers de Diboli, à la frontière sénégalo-malienne, comme chacun le sait. Pendant ce temps, soeurette2 prit congé. Pendant une bonne vingtaine de minutes, elle m'écrivit sa lettre, qui finit par faire au moins attendez, je prends la lettre pour compter ah non, j'ai oublié de dire qu'elle l'a recommencée une fois ! Bon, je vous la recopie rapidement ici texto (et que celui qui ne me croit pas vienne vérifier la lettre chez moi) : "Bonjour Jean (d'accord, un malien qui s'appelle Jean, ça le fait pas !), cette petite note c'est pour te recommander un ami de mon frère. Il s'appelle Chô Ly. Il voyage sur sa moto. Il doit se rendre en France. Tu l'aideras à remplir les formalités douanières. Tout en espérant sur ta bonne compréhension, je te remercie d'avance." + date, lieu et signature.

    Je sais bien que j'écris facilement mes conneries et que je suis peut-être plus prolifique que la moyenne, mais merde, vingt minutes pour écrire ça, quoi ! Quand elle la finit, je lui demandai une deuxième lettre pour le poste frontière de Mauritanie, parce que je ne savais pas encore par où j'allais passer. Vous me croirez ou pas, mais elle a mis au moins une demi-heure pour recopier la même lettre pour le célèbre poste d'Aourou, célèbre puisque vous connaissez tous ! Après le recopiage, elle a dû chercher le nom du responsable de poste. Heureusement pour moi, au bout de dix minutes de recherches vaines, un de ses subordonnés est entré dans son bureau et l'a renseignée à ce sujet, parce que pour ce qui est de rechercher on y arrive justement !

    Soeurette 1 a alors voulu mettre ses lettres dans des enveloppes. Pour cela, il lui a fallu fouiller dans son bordel pour trouver une enveloppe non utilisée. Et là, véridique : elle s'est tournée vers le premier tas de dossiers, a soulevé trois dossiers, a parcouru le reste du bureau des yeux, et a conclu qu'elle n'arrivait pas à trouver ses enveloppes ! Mais elle m'a vite rassuré en me disant qu'elle allait demander à quelqu'un de lui en amener dès qu'il viendrait dans son bureau même pas surpris par son dynamisme !

    Puis elle a commencé à rediscuter de son frère Ca faisait déjà une heure que j'étais dans son bureau, mais heureusement pour moi, il y avait la clim ! Pendant ce temps, Nicanaud attendait tranquillement dehors, à à peine 40° à l'ombre. Alors on a discuté, discuté, et au bout de vingt minutes, est entré un gars, à mon grand soulagement. Soeurette1 sauta sur l'occasion pour lui demander de lui amener une enveloppe. Comme il ressortait, on se remit à discuter, discuter, discuter, discuter, discuter, discuter mais merde ! il est passé où l'autre ?!?! Je crois qu'il va falloir que j'aille la chercher moi-même, cette enveloppe, il a dû oublier ! C'est vrai que ça faisait bien vingt nouvelles minutes qu'on attendait. Alors moi, malgré ma patience légendaire : "Ah mais si vous voulez, je vais vous la chercher votre enveloppe !

    - Non, non, pas la peine, je vais y aller.

    C'est ainsi que soeurette 1, qui doit bien faire 90 kilos pour 1m60, se lève essaye de se lever, pousse, force, s'épuise mais tiens bon, re-force, et s'extrait enfin de son siège pour se diriger vers la porte (et je vous jure que j'ai même pas esquissé un sourire !). Elle l'entrouvrit, passa la tête par la porte, et interpella quelqu'un qui devait traîner dans le couloir : "Eh ! Tu as vu machin ? Il devait m'amener une enveloppe, ça fait vingt minutes que j'attends là ! Va le chercher !" Et voilà que à peine vingt autres minutes après, l'autre se pointait (avec l'enveloppe) tout penaud en disant qu'il avait oublié ! Elle le sermonna un peu, puis le laissa repartir. J'osai lui faire remarquer qu'il y avait deux lettres, donc, qu'il fallait deux enveloppes. Et soeurette1 de s'exclamer : "Ah mais c'est vrai ! Je lui ai pourtant dit ! (même pas vrai, mais quand on est officier, faut pas perdre la face, surtout vis-à-vis d'un toubab) Mais c'est un âne celui-là !"

    Deux heures que Nicanaud m'attendait à à peine 40° à l'ombre, fallait que j'accélère les choses ! Je lui proposais à nouveau d'aller chercher l'enveloppe moi-même. Mais elle : "Non, non, je suis sure que j'avais des enveloppes ici. Je vais les trouver, vous allez voir." Et elle s'est mise à soulever la même pile de dossier que tout à l'heure, mais en allant au-delà du réel, au-delà du CINQUIEME dossier ! Et là, magique (!) traînaient quelques enveloppes ! Je vous jure, y a des jours, on a envie de bouffer de l'Africaine bien grasse !!! Elle a alors pu mettre ses micro lettres dans des enveloppes et me les donner sans les cacheter ça valait bien la peine !

    Je l'ai donc bassement mais rapidement remerciée, et je suis enfin sorti triomphalement retrouver Nicanaud qu'avait même pas soif ni Chô.

    Citoyen des douanes, ma route croise des subordonnés qui sont des ânes, mais bon, c'est l'Afrique, alors restons zan !
    Chô, vagabond pas african (prononcer à l'anglaise, sinon, y a pas la rime !).

    Premier essai, alors j'espère que vous serez indulgents. Ce poème, enfin, cet essai, marque la fin de mes récits sur le Mali. Donnez-moi vos avis, critiquez-moi, éclairez-moi, et améliorez-moi. N'hésitez pas, sans baffe, je n'avancerai pas et resterai dans mon auto satisfaction.

    Complainte du vagabond fauché

    Le voyage avec des moyens,
    Est-ce que ça me plairait tant que ça ?
    La galère est tout aussi bien,
    Et plus sympa à raconter, n'est-ce pas ?
    Puis je n'suis pas fait pour dormir
    Dans les Hilton ou Sheraton
    Mais sans aller jusqu'à souffrir
    Cos' indeed, the Chô must go on.

    Je veux respirer le même air
    Que la grande majorité
    Car je me sens plus solidaire
    Dans ce monde désenchanté.

    Mais je ne blâme pas non plus
    Les nantis, tous ces gens bien-nés
    Chacun sa chance.
    Mais nullement, moi, si tordu,
    Je n'les envie, ni ne les hais,
    Moi, j'ai mes sens.

    Citoyen d'un monde poétique
    , La lune était ronde, féérique
    , Mon esprit veut pondre, frénétique.

    Chô, the vagabond, so frantic.

    Et quand viendra l'heure des bilans

    Et quand viendra l'heure des bilans,
    J'espère pouvoir dire plus souvent
    "J'ai fait" que "j'aurais aimé faire."
    Pour n'avoir de regrets amers.
    Mais cette volonté d'accomplir
    Mes envies secrètes, mes désirs
    Est en fait un cercle vicieux.

    Plus je vois de sites ou de lieux
    Aux noms légendaires, mystérieux,
    Plus je rencontre de personnes
    Qui tout comme moi, sauvageonnes,
    Aiment à parcourir cette planète
    Sans la détruire, mais la respectent.
    J'aimerais tant faire comme eux.

    Ils ont vu mille lieux différents
    Que je n'ai point vu, débutant,
    Amenant toujours plus d'envies
    De destinations, de pays.
    La terre est si belle, je le dis,
    Et je me rends compte qu'une vie
    Ne suffirait pour l'explorer.