Durant les six dernières années, j'ai été enseignant-chercheur contractuel au sein du GI mais, mon contrat n'ayant pas été renouvelé pour une nouvelle période de trois ans, j'ai dû récemment envisager d'autres horizons professionnels. Cet article n'a toutefois pas pour but de vous parler de moi. Bien que depuis la création de l'ex-IPSé, personne dans ma catégorie et ma tranche d'âge n'ait jamais été licencié de la sorte, je ne juge pas que mon cas soit suffisamment intéressant pour m'y apesantir davantage et mobiliser ici l'attention des étudiants de l'UTBM. Par contre, le fait de ne plus appartenir à l'université m'a ôté mon obligation de réserve et me procure l'immense liberté de proclamer que toutes les vérités sont bonnes à dire et mes ex-étudiants, qui sont de l'autre côté de la barrière, pourraient difficilement les découvrir autrement.
Le but de cet article est de vous parler du GI, de la manière dont il est géré et, plus particulièrement, de ce qui affecte le type de formation que vous êtes venu chercher ici. J'ai personnellement obtenu mon diplôme d'ingénieur à une époque où le prestige de ce titre s'appuyait non seulement sur une formation technique professionnelle solide mais aussi sur une formation d'esprit qui ne se prêtait en rien aux constructions mentales boiteuses, aux théories foireuses et aux recherches bidons, et qui exigeait constamment un esprit critique, logique et rigoureux. Il est évident que la qualité de la formation actuelle de type UTBM dépend de l'organisation de l'établissement, du contenu des cours et de l'encadrement dont la qualité reflète finalement celle des professeurs, des administrateurs qui y travaillent et celle du système dont ils font partie. Sans doute, en bon informaticien, faudrait-il commencer cet examen de manière hiérarchique, du haut vers le bas de l'organisation, des "décideurs" vers les exécutants et des exécutants vers les étudiants. J'évoquerai d'abord quelques éléments clés de l'organisation et, ensuite, les études et la recherche?
Depuis septembre 2001, vous avez un nouveau président qui gère l'établissement comme s'il s'agissait d'une banque, c'est à dire exclusivement en se basant sur les bouts de papier qui transitent par son bureau. En 2001, il a été gentiment poussé dehors par St Gobain avec des égards qu'il ne réserve malheureusement pas à ceux dont il veut se débarrasser. Son CV, largement diffusé au moment de son recrutement par l'UTBM, qui fait état d'une interaction professionnelle intense avec un grand nombre de collaborateurs, nous aurait fait difficilement deviner que, à l'UTBM, cet individu ne chercherait pas à connaître vraiment ni les gens, ni les départements, ni les programmes, ni les idées qui les sous-tendent. S'il rencontre régulièrement divers membres du personnel lors des réunions des divers comités, il ne vient jamais dans les départements pour voir ce qui s'y fait et discuter de manière informelle avec professeurs et étudiants. Tout comme moi, vous serez sans doute surpris de constater que cet ex-directeur de recherche dans un des fleurons de l'industrie française, dont le CV souligne une activité intense de recherche et d'encadrement de la recherche, n'est référencé sur Internet que pour sa fonction de ? président à l'UTBM, à partir de 2001 ! Il s'est cependant illustré par ses qualités de "gestionnaire" dans notre établissement en décrétant la baisse du nombre d'UV auxquelles les étudiants doivent obligatoirement s'inscrire et qui est passé de 7 à 6 comme vous le savez. Un autre de ses exploits a été de rogner les heures d'enseignement, de TD et de TP à l'intérieur de chaque UV. Même au regard des contraintes budgétaires qui lui ont été imposées par le Ministère ou qu'il a peut-être mal négociées, il aurait été possible d'effectuer des économies sans dévaloriser le diplôme mais l'imagination semble lui avoir fait défaut ?
Le rôle d'un président est également de s'assurer que les règles de fonctionnement des divers départements et ses statuts soient respectés et de rééquilibrer toute situation qui pourrait mener à des abus quelconques. On a combattu en France le suffrage censitaire et autres inégalités de représentation autrefois mais il existe, au moins au GI, des groupes votants, à pouvoir exécutif, qui sont composés d'individus qui, dans leur majorité, votent suivant la consigne d'un seul d'entre eux de manière systématique. Il ne faut pas leur en vouloir car ils n'ont guère le choix, leur avancement, l'obtention de leur diplôme, quand ils sont doctorants, ou le maintien pur et simple dans leurs fonctions à l'UTBM, quand ils sont IATOS, étant conditionné au bon vouloir de celui qui les manipule comme des marionnettes. Un président d'établissement a le devoir de repérer de telles situations immédiatement et d'y remédier, mais notre président, depuis sa prise de fonctions, n'a jamais osé modifié un organigramme, même lorsqu'il est inefficace ou que les représentations sont totalement déséquilibrées. Il faut souligner que notre président, lorsqu'il entend "réformer", préfère déplaire aux étudiants plutôt qu'aux professeurs, préfère s'attaquer à des individus plutôt qu'à des structures collectives, à des contractuels plutôt qu'à des fonctionnaires et à des faibles plutôt qu'à des forts ! Nous avons ainsi des situations assez étranges au sein du GI, telles qu'un changement de directeur qui n'entraîne aucun changement réel puisque le nouveau directeur est sous tutelle de l'ancien du fait que ce dernier aura, curieusement, croyez le ou non, son mot à dire dans l'avancement professionnel de l'actuel directeur. Or, paradoxalement, cet ancien directeur, un as auto-proclamé de la recherche au sein du laboratoire SeT ne sait rédiger un texte quelconque sans qu'il ne soit truffé de fautes d'orthographe ou de syntaxe, que ce soit en français, dans la langue de ses publications ou encore dans la langue officielle de son pays d'origine ! Qu'importe ! Il est censé faire de la recherche de haut niveau et il faudrait être mauvaise langue pour dire que, s'il ne sait pas faire des choses simples, il lui est probablement difficile d'en faire de compliquées ?
L'un des plus grands mythes associés à l'enseignement supérieur est "l'importance de la recherche universitaire" dont le véritable but, lorsqu'on y regarde de près, n'est que de produire, à quelques exceptions près, des publications. Ces "papiers" d'une dizaine de pages, en général, sont évalués en circuit fermé, par des gens qui ne sont pas différents de ceux qui les rédigent, qui partagent avec eux les mêmes motivations et les mêmes intérêts, et qui émettent une opinion favorable dans la mesure où elle sert également leurs propres objectifs. "L'utilité" de ces articles n'est jamais soumise au jugement de ceux qui financent cette prétendue recherche, les "chercheurs" n'ayant jamais de comptes à rendre à la société qui n'est donc jamais en mesure d'en exiger des retombées tangibles et des applications pratiques. Le mythe de "l'expert", de la technicité de ses prétendues connaissances, mettent ce dernier totalement à l'abri de l'examen critique de la valeur sociale de cette recherche. Il faut aussi prendre en compte le mythe du "progrès continu", qui est tellement ancré dans nos esprits conditionnés qu'il agit tel un écran de fumée qui nous empêche de voir que, en dépit de quelques indéniables découvertes et inventions attribuables à la recherche universitaire contemporaine, cette recherche constitue pour l'essentiel un énorme gaspillage de temps et d'argent par rapport à ce qu'elle produit : résultats insignifiants, variantes improductives de thèmes largement défrichés et éculés, essais maladroits se déguisant sous un vocabulaire mathématico-scientifique ésotérique, investigations stériles, perspectives largement exagérées, voies sans issue, promesses non tenues, etc. Toute cette activité détourne en fait des ressources importantes qui pourraient être consacrées à l'enseignement. La recherche qui se fait au GI ne fait malheureusement pas partie des exceptions qui sont susceptibles de valoriser la recherche universitaire et il est évident qu'une telle opinion fait paraître celui qui ose la formuler comme un dangereux hérétique, voué aux gémonies et à éliminer du département, en priorité. La recherche du GI est presque totalement inspirée d'articles publiés dans des revues américaines, en moins originale. Elle n'a aucune utilité sociale ou professionnelle. Les "papiers" qui en découlent sont abscons, ésotériques et surtout soporifiques mais leur fonction n'est pas d'être lus mais d'être là, pour valoriser les CV des prétendus chercheurs et conditionner des augmentations de salaire à défaut d'avancements professionnels qui n'existent que sur le papier, les enseignants croupissant dans les mêmes fonctions, année après année, de toute manière. Articles récents ou vieux repris à la sauce SeT, galimatia pseudo-scientifique, blablaware, etc? Moins de 1% de ces articles auront plus d'un lecteur d'après les statistiques établies par les observateurs des activités scientifiques. Globalement, si elle est faite par des doctorants, la motivation qui sous-tend cette recherche au GI est, souvent, pour ceux qui la font, davantage le désir d'obtenir une carte de séjour et un permis de travail pour s'établir définitivement en France que pour l'amour de la science. Dans de nombreux cas, les connaissances acquises dans les pays d'origine de ces "chercheurs", aux structures éducatives souvent sous-développées, sont faibles et d'autant plus inutiles que la motivation intrinsèque pour "chercher" n'est absolument pas la recherche elle-même. On trouve assurément des chercheurs au GI mais on y cherche toujours des trouveurs ! Le phénomène est amplifié dès lors où certains recrutements sont totalement farfelus. Par exemple, les ECC, dont le rôle est d'amener de l'expérience industrielle, sont souvent recrutés en fonction de critères défiant le simple bon sens. Faux maîtres de conférences qui s'empressent de devenir fonctionnaires, jeunes diplômés sans aucune expérience. Je n'en veux pour preuve que ce jeune ingénieur, ancien étudiant moyen de l'UTBM, qui débuta dans ce que l'on appelle en bon français une "start-up" régionale qui fit faillite moins de deux ans plus tard et qui fut engagé comme ECC par le GI aussitôt après? Autre exemple : un doctorant qui finit, après un temps conséquent, par décrocher son diplôme, qui quitte l'UTBM et qui resta sans aucune activité professionnelle durant deux ans. On pourrait croire que le monde de la recherche en informatique se serait arraché ce docteur dont les travaux furent dirigés par un "as" de la recherche du GI. Il fut quand même recruté en tant qu'ECC à la fin de ses deux ans de glandouille ! Copinage, clientélisme, incompétence, inexpérience ! La politique de la maison concernant les ECC, tout au moins pour le GI, est, de toutes façons, de leur donner le rôle de supplétifs et de larbins à la botte des prétendus chercheurs et professeurs du GI ?
Il est également curieux que plusieurs docteurs en informatique, dont le travail de thèse s'est fait au GI, n'aient eu d'autre ambition que d'y revenir le plus vite possible, ou plutôt d'y rester à titre définitif en tant que fonctionnaires indéboulonnables à vie, maîtres de conférences à 13.000 francs par mois à une époque où un jeune docteur en informatique est généralement engagé dans le privé à un salaire de 65 ou 70k euros/an, voire plus à l'étranger ... à la condition, bien sûr, que sa recherche puisse être valorisée et déboucher sur des applications tangibles. Cela, plus que toute autre considération, nous permet d'avoir une assez bonne idée du type de recherche qui se fait au GI, de sa valeur scientifique, des perspectives de développement qu'elle permet (ou plutôt qu'elle ne permet pas) et de son utilité sociale, en général ?
Qu'importe, direz-vous ! La recherche, on s'en fout et le diplôme obtenu est agréé par la CTI, la Commission des titres de l'ingénieur ! Ah, oui ! Le seul problème, c'est que seuls l'administration et les directeurs de département ont affaire aux représentants de la CTI, mais ce n'est malheureusement pas eux qui font la majeure partie de l'enseignement. Une commission d'accréditation, c'est sérieux. J'en ai vu à l'œuvre dans certains des pays où j'ai enseigné. Ils épluchent tout : programmes, supports de cours, examens, sujets de travaux pratiques et même CV des enseignants et ils posent bien sûr des questions, beaucoup de questions, avant d'accorder une accréditation. Ici, dans les six dernières années, j'ai été responsable de diverses UV dont une que j'ai créée de toutes pièces à partir de rien. En six ans, je n'ai jamais vu quiconque de la CTI et on ne m'a jamais demandé de rendre des comptes sur le contenu de mes enseignements. Cela ne veut pas forcément dire que l'enseignement est mauvais, malgré tout. Il y a des professeurs, qui n'ont pas toujours ce titre d'ailleurs, et qui font quelquefois un travail remarquable à côté de certains fonctionnaires dont l'enseignement est exécrable : contenus de cours tombés en désuétude, absence de rigueur, sujets découverts sur le tas et mal maîtrisés, formation ou auto-formation insuffisante quand ce n'est pas absentéisme à temps partiel et je-m'en-foutisme à temps complet? Du meilleur comme du pire, le tout estampillé et approuvé par la CTI qui est allée vérifier contenus et qualité exclusivement dans les bureaux des directeurs, qui n'ont accès ni à l'un ni à l'autre !
Le diplôme que vous recevez est à niveau Bac + 5 mais il serait plus juste de dire qu'il est à Bac + 4 puisque les étudiants sont dans l'obligation de faire deux fois 6 mois de stage, dans des conditions très variables et qui ne sont pas suffisamment contrôlées par le personnel enseignant et cela d'autant plus que la visite protocolaire du suiveur UTBM n'est plus possible depuis que la limite de remboursement des frais a été fixée à 45 euros par déplacement. En fait, la plupart de nos stagiaires ne sont plus vraiment suivis par l'UTBM et nous comptons vraiment sur les employeurs pour évaluer le travail de l'étudiant. Quant à l'employeur, le sérieux de son suivi est généralement proportionnel à la somme qu'il débourse mensuellement pour le stagiaire à moins qu'une offre de CDI ne vienne confirmer l'intérêt de l'employeur pour le stagiaire en fin de stage. Lorsqu'un employeur ne verse qu'une "gratification", c'est-à-dire ne paye que le tiers du SMIC, ou ne paye rien du tout, il s'en fiche naturellement. Les étudiants savent que le rapport de stage et la soutenance sont déterminants mais ils savent aussi que les suiveurs UTBM peuvent difficilement en quelques minutes évaluer le contenu technique d'un stage qui a souvent utilisé des techniques ou un logiciel qui ne leur sont pas familiers. La présentation et les apparences prendront ainsi dans ce contexte plus de valeur que la substance réelle du stage et permettront souvent de valider des stages de qualité douteuse mais dont les étudiants ne sont nullement responsables.
Autre cheval de bataille de l'UTBM : la prétendue ouverture à l'international et la connaissance des langues. Tandis que l'on exige des étudiants de pouvoir faire un exposé technique dans une langue seconde choisie parmi celles qui sont enseignées à l'UTBM, les représentants du corps enseignant, à quelques exceptions près, en seraient totalement incapables. Les étudiants ne doivent guère compter sur eux pour acquérir cette "compréhension du monde" que l'UTBM promet de leur donner puisque les enseignants n'ont aucune expérience étrangère dans aucun des pays qui comptent véritablement dans son évolution et dans notre secteur d'activité. Ce n'est pas de leur faute. Celui qui fait sa carrière comme fonctionnaire dans l'enseignement supérieur n'a guère d'autre choix que de rester vissé aux murs des universités françaises et ce n'est pas les quelques jours par an de congrès ou de colloques "internationaux" auxquels les plus fortunés se rendent qui changent grand chose à l'affaire !
Enfin, pour être un peu plus prosaïque, il faut noter que la nouvelle direction du GI, pas plus que celle de l'UTBM depuis 2001 d'ailleurs, n'a demandé aux membres du personnel enseignant d'utiliser les boîtes vocales mises à leur disposition sur les téléphones dont ils ont l'usage. On peut aujourd'hui estimer à 10% la proportion de gens qui les utilisent. L'UTBM a aujourd'hui l'ambition des grandes "réformes" mais n'a jamais su obtenir de ses professeurs, pas plus que les étudiants n'ont pu le faire d'ailleurs, qu'ils affichent leurs heures de présence sur la porte de leurs bureaux. Élémentaire ! N'est-ce pas ? Mais pas à l'UTBM ! Ça ne gêne pas les enseignants, qui ne se parlent pas forcément beaucoup, mais seulement les étudiants lorsqu'ils veulent prendre contact avec certains de leurs profs qui, quelquefois, mettent plus d'un mois à corriger des médians ! La patience est censée être une vertu et il ne fait aucun doute que les étudiants apprennent à être patients lorsqu'ils suivent leur formation d'ingénieur à l'UTBM !
Charles Durand, ex-ECC au GI
Belfort, le 22 septembre 2003