Facéties universitaires
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Un cas d'école ?

Luc Ferry démantèle l'EN

En juin 2011, Le Canard enchaîné12 et d'autres médias affirmaient que Luc Ferry, professeur à l'université Paris-Diderot, n'y assurait aucun enseignement depuis quatorze ans et qu'il n'y était quasiment jamais présent : outre les périodes de fonctions ministérielles, où il était détaché et payé comme ministre, il a longtemps été dispensé, à sa demande, d'enseignement et mis à disposition afin d'accomplir diverses fonctions officielles. En 2010, avec l'autonomie financière, son université lui demanda d'accomplir son service d'enseignement statutaire pour lequel elle le payait, ce qu'il ne fit pas ; l'université lui réclama donc le remboursement de ses rémunérations (environ 4500 euros mensuels selon la même source) ou d'assurer ces enseignements.

Pour sa part, Luc Ferry, qui y voit les conséquences de ses propos tenus au Grand Journal, déclare qu'il est en détachement de l'enseignement supérieur et qu'en l'absence de convention entre Matignon et l'université Paris-VII, cette dernière doit prendre en charge son traitement de président du Conseil d'analyse de la société, comité rattaché aux services du Premier ministre. Il décide alors de prendre sa retraite d'enseignant à la fin de l'année scolaire 2011.

Il n'est pas le seul !

Nous avons pu observer les cas suivants :

  • cours non faits : ce n'est pas le fait de la majorité des enseignants, mais bien celui d'un ou deux dans une faculté

  • remplacement d'un cours d'une heure par semaine par une journée de huit heures par exemple. Ce n'est pas la même chose !
    En effet chaque heure d'enseignement supérieur demande un temps de préparation-recherche évalué à 3 à 4 heures et une heure de cours donne à l'étudiant plusieurs heures de lecture-exercices et recherches. Les enseignants de Supérieur doivent en conséquence assurer de 7 à 12 heures de cours selon leur statut par semaine et 192 heures par an, le reste étant réparti en temps de recherche, de suivi des étudiants, la correction d'examens et des mémoires et thèses et divers autres tâches administratives.
    En conséquence bloquer huit heures de cours en une journée est une escroquerie et c'est au mépris des étudiants. Dans le système actuel, les étudiants ne peuvent rien dire ni rien faire, sinon quitter la branche qu'ils ont choisie ou mieux l'université pour s'inscrire dans une autre. Tous n'en ont pas les moyens et la plupart abandonnent.

  • correction des copies d'examens non faites. L'enseignant suggère à un groupe étudiants de mettre une marque sur leur copie qui est maintenant anonyme. C'est bien sûr uniquement pour une obscure division des copies par groupes. En fait il met systématiquement une bonne note à ces copies sans les lire. Pour les autres; il met des notes variables pour que personne de l'extérieur ne soupçonne la moindre irrégularité.
    L'escroquerie a été découverte parce qu'un étudiant n'ayant pas mis la marque demandée sur sa copie avait obtenu une note proche de zéro alors qu'il était certain d'avoir répondu correctement à toutes les questions.
    Dans un tel cas l'étudiant peut demander une révision de sa copie, ce qu'il fit. Lors de la révision, le professeur Pons (voir notre livre SQP) lui a simplement demandé à quel groupe il appartenait et lui a repproché de ne pas avoir mis la marque de son appartenance à ce groupe. Sans lire la copie, la note est passée de 4 à 18/20.

  • les heures complémentaires sont en fait des heures supplémentaires. C'est un excellent moyen d'améliorer l'ordinaire sans fatigue : les individus bien placés s'attribuent ces heures qu'ils ne font naturellement pas.

  • les heures complémentaires sont aussi le moyen d'améliorer l'ordinaire en faisant cours, mais quels cours ! L'un de ces forças de l'enseignement supérieur ne manquait jamais de se plaindre auprès de moi en fin de soirée, après 10 heures sans pause (c'est vraiment la journée continue !).
    Vous vous demandez certainement quel était, dans ces conditions, le niveau de ces cours. Je dirais un niveau intermédiaire entre l'heure de garderie et l'enseignement technique niveau CAP, mais payé au tarif de enseignement supérieur.
    Ce qui était amusant, c'est qu'en grinçant quand même un peu des dents, j'ai calculé que ce héros de l'abattage gagnait en une journée bien plus que moi en une semaine. Ma grande consolation fût de penser qu'être le confident d'un travailleur qui aurait certainement reçu d'une médaile en ex-république soviétique, était un honneur.

  • Il y a quelques années, toujours avec les heures complémentaires, un malin s'était fait prendre à faire plus de 900 heures complémentaires par an. Sachant qu'il devait fournir quatre heures de travaux de recherche et préparation et autre par heure de cours, nous avons calculé qu'il faisait 3600 heures de préparation + 900 heures de cours, soit 4500 heures supplémentaires par an. Son service normal étant de 196 heures + 196x4 heures soit 980 heures annuelles.
    Nous en avions conclu que ce forcené travaillait 4500 + 980 heures par an, soit 5480 heures. Si un employé moyen fait environ 1800 heures par an notre homme en valait trois, ce qui correspont à un emploi de 24h/24 !
    Quand on pense que certaines voix répandent le bruit qu'on ne fait rien dans la fonction publique…

  • Dans un autres domaine, notre génie supérieur a trouvé une bonne combine pour échapper quelques jours à ses obligations. Deux heures mal placées peuvent être faites par un serviteur, ce qui offre parfois plusieurs journées de libre consécutives. C'est une extension du principe du pont, très prisé au mois de mai et cette absence ne nécessite pas d'être rattrapée.
    M'étant trouvé quelques fois dans cette sitation (à rendre service) jétais payé de la main à la main environ 200 francs de l'heure. C'est illégal, mais je ne regrette pas et de toute façon la base doit obéir. Je me suis toutefois aperçu que mon patron touchait en fait 500 francs de l'heure. En me confiant son travail il gagnait encore 300 francs mais en payant des impôts sur cinq cent. Cela me parût étrange comme calcul, mais au fil du temps, je me suis aperçu du peu d'importance que cela avait par la grâce des déclarations d'impôts en frais réels et des remboursements de frais, toutes choses qui passent par dessus la tête du grouillot de service.


  • Conclusion

    Une partie des faits rapportés ci-dessus on été décrits dans une petite revue humoristique appelée &laqu;Couleur Locale» ce qui valu un certain nombre de déboires au responsable de cette revue : carrière bloquée, harcèlement, mise au placard. Ce mauvais esprit ayant eu l'idée stupide de soutenir une thèse de doctorat en fin de carrière, il a eu la chance pendant quelques années d'être le magasinier le plus titré de France. Le pire c'est qu'il en est fier malgré la maigre retraite que lui a valu ses écrits impertinents.

    Conclusion seconde : avec l'autonomie des universités, cela ne va pas s'arranger.

    Bibliographie

    « Un emploi fictif pour le moraliste Luc Ferry », Le Canard enchaîné, no 4728, 8 juin 2011, p. 3

    Luc Ferry

    L'ensembles des numéros de Couleur Locale est déposé à la Bibliothèque de conservation de Besançon

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